Le 5 mai 2021
À l’heure où le Mali ou d’autres pays d’Afrique succombent aux ravages du fondamentalisme religieux, Le père de Nafi résonne comme un appel à la paix et à la liberté.
- Réalisateur : Mamadou Dia
- Acteurs : Alassane Sy, Saikou Lô, Aicha Talla, Penda Sy, Alassane Ndoye
- Genre : Drame
- Nationalité : Sénégalais
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h50mn
- Titre original : Baamum Nafi
- Date de sortie : 9 juin 2021
- Festival : Festival de Locarno 2019
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– Année de production : 2019
Résumé : Dans une petite ville du Sénégal, deux frères s’opposent à propos du mariage de leurs enfants. Deux visions du monde s’affrontent, l’une modérée, l’autre radicale. Les jeunes Nafi et Tokara rêvent, eux, de partir étudier à Dakar, la capitale, et de vivre avec leur époque. A la manière d’une tragédie, et alors que s’impose la menace extrémiste, les amoureux doivent trouver un chemin pour s’émanciper des conflits des adultes
Critique : Lui, le père, l’imam dans son village du Sénégal, est à la fois gardien de la tradition et défenseur de la liberté. Il cultive dans sa mosquée un Islam modéré, empreint de son histoire, où le fait de Dieu ne doit pas se mélanger avec la politique. C’est la raison pour laquelle il ne souhaite pas endosser la fonction de maire et propose au candidat de garder la séparation des fonctions. Mais son frère survient, pour le coup, et défend un Islam politisé, radical, et guerrier. Alors, à la façon d’une pièce de Shakespeare africaine, deux familles s’opposent alors que les deux neveux, amoureux l’un de l’autre, se rêvent mariés pour s’émanciper de leur existence et entamer des études universitaires à Dakar.
Le cinéma africain est trop rare. Le père de Nafi est un long-métrage d’autant plus rare qu’il est pétri tout entier de messages de liberté et de paix. Le réalisateur, Mamadou Dia, dont c’est la première œuvre, confie que lui-même était interdit d’accéder aux cinémas pendant sa jeunesse au nom de la religion. L’interdit de l’art, de la musique, de la représentation artistique qui évidemment ne sont pas des signaux divins mais des opportunités politiques à la restriction de liberté, ont conduit à la fabrique de ce cinéaste dont on parlera longtemps. L’image est soignée, les dialogues sont fluides, et la photographie fait l’effet d’un écrin dans cette histoire de conflits familiaux et de risques de guerre civile. On pressent le manque de moyens, mais le réalisateur dépasse merveilleusement les limites financières de son projet. Il choisit souvent le hors champ, l’ellipse pour parler de la barbarie terroriste qui écrase l’Afrique centrale et du nord.
Écrit comme un conte social, Le père de Nafi théâtralise la scène de l’horreur humaine. Le réalisateur prend le risque de dénoncer le dictat religieux, la manipulation des extrémismes religieux, les mensonges que les islamistes adossent à la beauté de la religion. Pendant tout le film, on tremble pour le courage de ce cinéaste qui prend le soin d’agrémenter son récit de paysages superbes, de visages lumineux, comme si l’esthétisme du cinéma était la seule nécessité pour échapper à la tyrannie de l’obscurantisme. Un point particulier est apporté à la musique qui accompagne avec gaité et sensualité ce conte des temps barbares.
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