Malédiction ancestrale
Le 27 février 2015
Exemple peu connu du cinéma gothique à l’italienne, Le manoir de la terreur bénéficie d’une belle atmosphère et d’une photographie soignée, mais en raison d’une intrigue convenue, il se fait juste le témoignage intéressant d’une époque où les châteaux médiévaux et les récits à la Edgar Allan Poe étaient à la mode.
- Réalisateur : Alberto de Martino
- Acteurs : Leo Anchóriz, Helga Liné, Gérard Tichy
- Genre : Épouvante-horreur
- Nationalité : Espagnol, Italien
- Editeur vidéo : Artus films
- Durée : 1h27min
- Titre original : Horror
- Date de sortie : 20 mai 1966
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- Date de sortie DVD : 3 mars 2015
Exemple peu connu du cinéma gothique à l’italienne, Le manoir de la terreur bénéficie d’une belle atmosphère et d’une photographie soignée, mais en raison d’une intrigue convenue, il se fait juste le témoignage intéressant d’une époque où les châteaux médiévaux et les récits à la Edgar Allan Poe étaient à la mode.
L’argument : En Angleterre, à la fin du XIXème siècle, Emily Blackford retourne dans le château familial, habité par son frère. Entre la froideur de celui-ci, le décès accidentel du père, et les cachotteries de la gouvernante, Emily est en proie à d’épouvantables cauchemars. Mais il semble que le père ait survécu à l’incendie de l’abbaye. Et qu’il ait décidé d’accomplir la prophétie qui, pour que la lignée des Blackford ne disparaisse pas, exige la mort de la dernière descendante, Emily, avant ses 21 ans. Soit avant 5 jours…
Notre avis : En parallèle aux succès de la Hammer et aux premiers films de Roger Corman adaptant Edgar Allan Poe, l’Italie s’est jetée à pieds joints dans le genre gothique au début des années 1960. Porté sur le fantastique du XIXe siècle, ce style de cinéma possédait déjà quelque chose d’ancestral durant son âge d’or. Inutile de dire qu’aujourd’hui, on pourrait parler de préhistoire tant ce mode d’angoisse appartient à un monde révolu. La particularité des italiens était de mettre l’accent avant tout sur les décors et les ambiances oniriques. Le chef-d’œuvre du genre, Le masque du démon (1960) de Mario Bava, avait déjà initié tout ce qui en ferait la caractéristique. Cachots, belles châtelaines, présences fantomatiques et masquées, longues capes noires, candélabres, corridors obscurs, toiles d’araignée, brume, tonnerre, enterrements prématurés et aristocrates décadents, on retrouve ici tout ce qui faisait le charme des vieux récits anglais de Horace Walpole, Ann Radcliffe, Mary Shelley, Charles Robert Maturin ou Sheridan Le Fanu. Malgré l’annonce d’une adaptation de Poe pour séduire la marché américain, Le manoir de la terreur est plutôt un patchwork de thématiques classiques qui là encore met l’accent sur les architectures, les décors, les costumes et l’atmosphère à la fois éthérée et macabre plutôt que sur l’intrigue. Cette dernière est en effet très sommaire et se contente d’un suspense quant à l’identité d’une figure meurtrière dont on nous dit qu’elle serait le père défiguré par un incendie de la blonde héritière Emily Blackford, ce que l’on ne croit pas vraiment. Ce prétexte sert surtout à montrer des scènes de toute beauté, à l’aura presque surréaliste, où la jeune descendante menacée par la prophétie erre sous hypnose dans une forêt inquiétante ou dans des ruines. La figure masquée encapuchonnée devient une menace constante sur sa personne et tient le film en grande partie.
Menée par une partition musicale envoûtante, on retiendra surtout la scène du fameux enterrement, où la jeune femme encore en vie s’exprime en voix off mais ne peut faire transparaître à travers la lucarne de son cercueil sa détresse. Bien sûr, cette séquence rappelle L’effroyable secret du Dr Hitchcock (1962) de Riccardo Freda, mais il faut avouer qu’elle est particulièrement réussie et qu’elle n’a pas à pâlir aux côtés des grandes scènes du genre. Le souci principal du film étant qu’il n’a été exploité en France que bien après sa réalisation à l’hiver 1962. Du coup, il semblait déjà démodé car se pliant entièrement aux règles d’un style de cinéma très identifiable. Même s’il n’y a pas de stars au casting et qu’un film gothique sans Barbara Steele, ce n’est pas vraiment pareil, on retiendra tout de même Helga Liné, dont la sombre et austère beauté apporte un vrai plus. On ne sera donc pas surpris de la retrouver dans Les amants d’outre-tombe (édité en DVD par Artus également) aux côtés de la grande Barbara et dans un rôle assez similaire. Jusqu’à la fin, on tentera de creuser le mystère derrière cette gouvernante glaciale et terriblement sexy. Le scénario, écrit par les frères Corbucci, joue entièrement sur ce flou entre ce que sont vraiment les personnages et ce qu’ils semblent être, et forcément quelques fausses pistes sont à prévoir.
Si l’action est supposée se dérouler en Écosse, la quasi totalité du film a été tournée en Espagne, notamment dans le château présent dans les premiers films de Jess Franco, dont le fameux L’horrible Docteur Orloff (1962). Alain Petit précise d’ailleurs dans le bonus que les Américains, eux, ont préféré situer le film en France où les Blackford sont renommés les Blancheville. Au bout du compte, il y a quelque chose de très logique là dedans vu que tous les premiers romans gothiques anglais à la fin du XVIIIe se passaient soit en Espagne soit en Italie soit en France. La fameuse décadence de l’Europe qui plaisait tant et qui sied à merveille avec la thématique de la malédiction familiale ancestrale au centre du film. Hélas, les promesses de fantastique, bien présentes, sont désamorcées par un final qu’il faut bien dire décevant.
Le manoir de la terreur est donc un film mineur mais pas sans atouts (la photo, les lieux) et qui a surtout beaucoup d’élégance. Le réalisateur Alberto de Martino, ici sous le pseudonyme de Martin Herbert, reviendra d’ailleurs à l’épouvante régulièrement par la suite, notamment avec L’Antéchrist (1974) et Holocaust 2000 (1977). Si vous appréciez le genre gothique ou que vous souhaitez compléter votre collection Artus, c’est une très bonne acquisition.
Les suppléments
En suppléments nous trouvons une galerie de photos accompagnée d’un des plus beaux moments musicaux du film, ainsi que six bandes annonces de films de la collection gothique italien, et surtout une interview d’un peu plus d’une demie heure d’Alain Petit qui raconte pas mal d’anecdotes intéressantes sur le film. Par exemple, Le manoir de la terreur (Le notti del terrore, 1981) d’Andrea Bianchi porte le même titre car le distributeur, pour éviter de faire des coupures dans ce film très gore qui serait difficilement passé en France, a choisi d’utiliser le même visa de censure. Une technique peu scrupuleuse très pratiquée à l’époque, notamment pour les films de la série des Ilsa. Un bonus fort bienvenue surtout pour remettre ce petit film dans son contexte.
La qualité d’image est ici exceptionnelle, avec un noir et blanc contrasté, jouant beaucoup des ombres comme au temps de l’expressionnisme. Il est d’ailleurs surprenant que ce soit le seul film en noir et blanc d’Alberto de Martino car lui et son directeur de la photographie ont fait un travail remarquable. Le film est disponible en version italienne sous-titrée et en doublage français d’époque, avec forcément le grain que cela implique. La partition musicale sied parfaitement à l’atmosphère, les cordes, piano et clavecin étant entrecoupés par les gémissements de la brume et les grondements du tonnerre. On appréciera en particulier la séquence où Emily marche dans un déshabillé blanc jusqu’à la crypte, au milieu des arbres rectilignes, alors que la silhouette noire la poursuit. Les coups martelés de piano et les violons en apesanteur créent une vraie hypnose.
Galerie Photos
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