Journal extime
Le 4 octobre 2006
Un film énigmatique et déroutant où se rencontrent les meilleurs interprètes de l’époque.
- Réalisateur : Stanislas Stanojevic
- Acteurs : Marie-France Pisier, Sami Frey, Delphine Seyrig
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
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– Durée : 1h22mn
Un film énigmatique et déroutant où se rencontrent les meilleurs interprètes de l’époque.
L’argument : Un guide (Sami Frey) accompagne un groupe de touristes dans une croisière en Méditerranée. Il est aidé par une interprète (Delphine Seyrig) qui l’intrigue, cachée derrière ses lunettes noires. L’interpète réclame au guide qu’il lui raconte "des histoires". Celui-ci se lance dans des récits en images...
Notre avis : Le journal d’un suicidé n’est pas un film triste ni déprimant, comme son titre pourrait le faire croire. C’est un film rare (ses sorties en salle ne sont pas fréquentes), très beau (magnifique travail sur le cadre et les couleurs) et on y retrouve une distribution parmi les plus stimulantes de l’époque. Cette reprise au Champo est l’occasion de revivre le trouble sans égal que crée Delphine Seyrig dans chacune de ses apparitions à l’écran, ou de redécouvrir la charmante Marie-France Pisier en anarchiste sensuelle et échevelée. Parfois drôle jusqu’au burlesque, souvent énigmatique, Le journal d’un suicidé est aussi habité par un mystère : dans sa forme, peu commune, très structurée malgré les apparences désordonnées et artistes, et dans son propos qui s’évade et se perd sans cesse jusqu’à trouver sa cohérence insoupçonnée.
Suranné, Le journal d’un suicidé l’est sans doute - au sens d’un film qu’il ne serait peut-être plus possible de faire aujourd’hui. Cette œuvre étonnante et déroutante, qui évoque Chris Marker à certains moments, Buster Keaton à d’autres, obéit aussi à une certaine logique. Mais s’agit-il d’une logique de récit, littéraire et narrative à la manière du Décaméron ou des Mille et une nuits ("je vais vous raconter une histoire"...), ou d’une logique du regard, qui s’appuierait sur le rôle discret tenu par un photographe muet (qui n’est autre que le cinéaste lui-même), et sur trois séries d’images - guerre, massacre et famine / nature solaire, touristique et méditerranéenne / momies endimanchées ? Le voile levé sur le regard de Delphine Seyrig, à la fin d’un film plein d’histoires (ce qui n’est pas sans rappeler une grande œuvre contemporaine et où s’illustre Delphine Seyrig : Le charme discret de la bourgeoisie) est sans doute une solution à l’énigme riche et foisonnante que constitue Le journal d’un suicidé : parce qu’il se fait un très haute idée du cinéma, son auteur choisit de rappeler l’importance de l’image - son traitement, son cadre, ses multiples possibilités et variations de couleur - et du regard (perdu, souffrant, grimaçant, etc.) - et de ne jamais soumettre l’image au récit. C’est peut-être le photographe le véritable guide et maître de cette drôle d’histoire : parce qu’il a les clés, ces clés qui rendent muets les clowns les plus pathétiques (Bernard Haller, dans une scène stupéfiante devant son miroir).
Traversé aussi par l’Histoire, la grande, Le journal d’un suicidé pourra parfois paraître daté - mais parfois seulement -, et pour notre plaisir, tant est forte l’attraction opérée par le constant souci du mystère, porté dans ce beau film par les meilleurs interprètes de l’époque.
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