Le 20 février 2017
Un film rare, précieux en ce qu’il évoque un monde disparu avec la guerre.
- Réalisateur : Michal Waszynski
- Acteurs : Avrom Morewski, Lili Liliana, Leon Liebgold, Ajzyk Samberg, Dina Halpern
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Polonais
- Durée : 1h58mn
- Titre original : Dybuk
- Date de sortie : 18 mai 1938
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– Année de production : 1937
Résumé : En Pologne, au XIXe siècle. Amis d’enfance, Sender et Nisson scellent leur amitié par la promesse de marier leurs futurs enfants, et ce malgré les mises en garde d’un étrange messager. Sender devient père d’une fille, Lea, mais sa femme meurt en couches. Nisson, quant à lui, décède alors même que son épouse accouche d’un garçon, Channon. Les années passent et lorsqu’à dix-huit ans Channon se rend à Brinitz pour ses études talmudiques, il ignore que Sender, chez qui il loge, fut autrefois l’ami de son père. Le jeune homme tombe rapidement amoureux de Lea, promise à un autre...
Notre avis : Réalisateur à la médiocre réputation mais à l’existence invraisemblable, Michal Waszynski a semble-t-il livré avec ce Dibbouk son chef-d’œuvre. Sans doute, en s’appuyant sur un succès du théâtre yiddish a-t-il voulu enregistrer les traces d’un folklore menacé, et même en voie d’extinction ; de ce cinéma oublié ne nous sont connus que quelques films, dont celui-ci, étonnant, fascinant et à l’esthétique soignée. C’est un continent à part, éteint, qu’il nous est permis de contempler avec émotion. Mais la curiosité s’émousserait rapidement s’il n’y avait une force incantatoire qui traverse, malgré le jeu daté des comédiens (mais nos critères contemporains sont sans pertinence), cette histoire dépassant le strict folklore pour viser l’universel.
Universelle, cette tragédie amoureuse l’est sans aucun doute, tant elle fait référence pour nous à des mythes, légendes ou drames que nous connaissons : on croise presque incidemment Orphée ou Faust, mais c’est évidemment à Roméo et Juliette que l’on pense le plus souvent. Nés le même jour, promis l’un à l’autre, les deux tourtereaux se reconnaissent sans s’être jamais vus et s’aiment par delà la mort, jusqu’à la possession. Si le schéma nous est familier, l’univers de référence ne cesse d’étonner : il prend corps dans un monde ritualisé à l’extrême, tout entier consacré à la religion mêlée de surnaturel. Un esprit peut s’y promener parmi les vivants, apparaître à son gré à vingt ans d’intervalle ; sentencieux, il commente l’action par des formules définitives, met en garde et conclut le film en soufflant symboliquement une flamme. C’est lui qui introduit le surnaturel, contaminant l’œuvre entière.
La beauté du film tient certes à une esthétique remarquable, qui évoque l’expressionnisme aussi bien que le baroque de Sternberg, mais surtout à un rythme singulier, lent et solennel : Waszynski semble décrire un monde qu’il sait condamné avec une attention particulière ; que ce soit les rites, les visages ou les intérieurs, il prend son temps pour témoigner, préserver, ce qui donne au film une dimension à part. D’autant que certains passages sont véritablement hallucinés : la jeune femme qui berce l’enfant qui ne naîtra jamais, sa danse avec la mort, sa marche finale, sont des moments extraordinaires, d’une beauté inédite. Par ailleurs, le cinéaste excelle à croquer des personnages typiques, des trognes ; chaque silhouette existe, prend forme dans un ensemble cohérent.
Il sait aussi utiliser des dialogues qui ne cessent de mêler la vie et la mort, avec une prédilection pour les sentences de résignation ; la mort est partout, elle est inéluctable, on le rappelle à tout instant. Non seulement tous les personnages prennent en charge cette dimension métaphysique ou religieuse, mais elle résonne dans les éléments (la foudre, le vent ou la pluie) comme un univers clos et d’une unité affirmée. Ce n’est pas le moindre intérêt de cette œuvre à part, qui a pris avec le temps et les événements que l’on sait une épaisseur tragique ; le cinéma yiddish a disparu, et il est heureux qu’en subsistent quelques témoignages précieux.
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