Le 14 juin 2021
Pendant l’Occupation, son mari ayant rejoint la zone libre, une femme reprend seule la gestion d’un théâtre parisien. Le plus gros succès de François Truffaut, auréolé d’une multitude de César, présenté dans un touffu et luxueux coffret.
- Réalisateur : François Truffaut
- Acteurs : Gérard Depardieu, Jean Poiret, Catherine Deneuve, Paulette Dubost, Andréa Ferréol, Heinz Bennent, Jean-Louis Richard
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Carlotta Films, MK2 Distribution
- Durée : 2h10mn
- Date de sortie : 2 juin 2021
- Festival : Césars 1981
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Résumé : Paris pendant l’Occupation : Un homme jeune vêtu d’une canadienne (Gérard Depardieu) accoste dans la rue une femme élégante qu’il trouve séduisante (Andréa Ferréol). Il est tellement insistant qu’elle finit par lui donner un numéro de téléphone...celui de l’horloge parlante ! Plus tard, l’homme, qui est comédien, Bernard Granger, se présente au théâtre Montmartre où il vient d’être engagé par Marion Steiner (Catherine Deneuve), qui dirige les lieux depuis que son mari a fui en zone libre. L’acteur retrouve la femme croisée dans la rue. C’est Arlette, la costumière du théâtre.
Critique : Plusieurs éléments ont conduit François Truffaut à entreprendre la réalisation de ce film, qui sera son plus grand succès, tant d’un point de vue public que critique. C’est aussi, et ceci explique peut-être cela, celle de ses œuvres qui a la facture la plus classique. Le réalisateur avait d’abord en tête de réunir Catherine Deneuve et Gérard Depardieu pour la première fois au cinéma (il y en aura bien d’autres ensuite) : elle, pour ne pas rester sur l’échec de La Sirène du Mississipi qu’il avait tourné en 1969, et lui qu’il trouvait formidable, avec, disait-il, ses airs de Gabin moderne. Il souhaitait depuis un moment raconter une histoire qui se passe sous l’Occupation, période de son enfance. Le succès de La Nuit américaine (1973), décrivant le tournage d’un film, lui donna l’idée d’une trilogie sur le monde du spectacle. Le Dernier Métro en sera donc le deuxième volet, avec pour fil conducteur la vie d’une troupe de théâtre qui monte une pièce, et le dernier, qu’il n’aura pas le temps d’entreprendre, avant sa mort prématurée en 1984, se serait situé dans le milieu du music-hall.
Sur un scénario original coécrit avec sa fidèle complice Suzanne Schiffman, Truffaut va comme souvent mélanger des éléments autobiographiques, des faits réels "réinventés", des éléments de fiction et quelques références de cinéphile. Fidèle avec ses relations, il va notamment retravailler avec le chef opérateur Nestor Almendros et la monteuse Martine Barraqué.
Aux côtés du couple vedette, il retrouve Sabine Haudepin, devenue comédienne de théâtre, qu’il avait dirigée enfant par deux fois (Jules et Jim en 1962 et La peau douce en 1964), ainsi que Jean-Louis Richard, un ami réalisateur, et Marcel Berbert, habituellement directeur de production, jouant occasionnellement les seconds rôles pour le cinéaste. Le metteur en scène complète en partie la distribution avec d’autres personnalités venues de la scène : Jean Poiret, à qui il donne des allures de Sacha Guitry ; Maurice Risch, en régisseur et homme à tout faire ; Andréa Ferréol qui venait de donner la réplique à Gérard Depardieu sur la scène des Amandiers à Nanterre ; et Heinz Bennent, comédien allemand, principalement connu en France pour avoir tourné dans Le Tambour ("Die blechtrommel" 1979) de Volker Schlöndorff. S’y ajoute la toujours délicieuse Paulette Dubost, morte en 2011 à plus de cent ans, dont la très longue carrière démarra en 1926 sous la caméra de Jean Renoir, un des maîtres de Truffaut, qui la fit également tourner dans le mythique La règle du jeu, en 1939.
Malgré son classicisme revendiqué, on retrouve à plus d’un égard la patte du cinéaste : le ton doux-amer dans un récit qui se passe à une autre époque, mais sans se mêler de l’Histoire avec un grand H, le soin porté à tous les rôles, l’attention à tous les comédiens, les références cinéphiles de Guitry à Renoir, en passant par des artistes moins connus comme Albert Valentin, des clins d’œil à sa propre filmographie. Le long métrage accorde, comme toujours, une place particulière à l’enfance.
Test combo DVD/Blu-ray
Image :
Très belle restauration qui valorise admirablement bien le travail de Nestor Almendros, le directeur de la photo, qui a joué sur les lumières nocturnes, à dominante rouge, dans le théâtre et dans les restaurants et cabarets ; et bleutées en extérieur, donnant ainsi à la couleur une saveur du noir et blanc de l’époque.
Son :
RAS, mais à noter un beau rendu du son si particulier aux théâtres vides, lors des répétitions.
Suppléments :
Présenté dans un luxueux coffret rectangulaire, on trouve :
Le CD et le Blu-ray qui présentent le même contenu.
Un très beau livre relié de près de deux cents pages, truffé de photos de tournage en noir et blanc, qui propose notamment la longue retranscription d’une conversation du cinéaste interrogé par Claude de Givray, différentes étapes de la construction du scénario, une description précise des personnages principaux...
Les compléments proposés avec le film proprement dit sont eux aussi très fournis, cumulant plus de trois heures d’images ;
– une présentation de l’œuvre par Serge Toubiana ;
– un extrait de l’émission, "Les rendez-vous du dimanche", présenté par Eve Ruggieri qui interviewe François Truffaut, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, au moment de la sortie du film ;
– une courte intervention de Nestor Almendros qui donne quelques clés sur la lumière ;
– un document audio sur des images du film. Le metteur en scène les commente, interrogé par Claude-Jean Philippe ;
– un numéro de "L’invité du jeudi", présenté par Anne Sinclair, dans lequel le cinéaste revient sur les moments importants de sa carrière et où l’historien Henri Amouroux parle de son important travail appelé "La grande histoire des Français sous l’Occupation" ;
– un film d’interviews datant de 2008, auquel participent plusieurs intervenants du long métrage (acteurs et techniciens).
Celui-ci fourmille d’anecdotes connues ou moins connues, toutes soulignent la personnalité calme, attachante et fidèle en amitié du cinéaste. On peut néanmoins regretter l’absence des deux acteurs principaux ;
– un court-métrage de fiction très émouvant réalisé par Tessa Racine, La petite graine (1998). Cette cinéaste fut d’abord assistante de Nestor Almendros sur le film de 1980. C’est là qu’elle rencontra son futur mari, lui-même technicien. Lors de la naissance de Sarah, leur enfant en 1983, François Truffaut envoya une lettre amusée au bébé, où il promettait de l’inviter au cinéma en 1996, pour aller voir un film interdit au moins de treize ans. Le récit s’appuie sur ce courrier, pour bâtir une histoire touchante autour du souvenir du cinéaste, qui, évidemment, ne pourra pas, et pour cause, honorer cette promesse.
Ces riches compléments nous permettent d’en apprendre sur les affres de la construction du long métrage. On apprécie le souvenir souvent ému de ceux qui ont travaillé avec le cinéaste sur ce film, évoquent ses marottes, sa grande habitude épistolaire, ou encore son érudition de cinéphile et son grand respect pour les réalisateurs qu’il admirait. On constate aussi le tact dont Truffaut faisait preuve avec tous les membres de son équipe, du plus petit métier au premier rôle. En filigrane, on comprend qu’il a créé une œuvre très personnelle et cohérente, et on mesure la perte constituée par son décès en 1984 à seulement cinquante-deux ans.
Il demeure, encore à ce jour, l’un des cinéastes majeurs du cinéma français.
Le film cumulera pas moins de dix César lors de la cérémonie de 1981, dont les plus prestigieux (film, réalisateur, acteur et actrice).
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