Le 14 octobre 2018
- Réalisateur : Peter Bogdanovich
- Genre : Cinéma
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Invité d’honneur à Lumière 2018, Peter Bogdanovich est aussi décliné dans de magnifiques éditions blu-ray chez Carlotta et deux ouvrages, dont un livre luxueux de conversations avec cet ancien critique de cinéma qui n’hésite pas à flinguer tous ceux qu’il n’aime pas. Cela ne le rend pas sympathique, mais au moins on est au cœur du cinéma, celui que l’on aime.
Résumé : Un ouvrage unique sur un réalisateur culte du cinéma américain des 70s adulé par Quentin Tarantino, Noah Baumbach, Wes Anderson.
Notre avis : A l’exception de Broadway therapy en 2014 (155.000 entrées), Peter Bogdanovich n’a pas sorti de film en France depuis… Texasville, la suite de son classique aux deux Oscars, La Dernière séance. C’était en 1994 et le film réalisait 306 entrées. Aïe.
En fait la dernière vraie sortie du cinéaste chez nous était Mask, une sélection cannoise dont le cinéaste relate, dans ses conversations avec le journaliste français Jean-Baptiste Thoret, le massacre orchestré par le studio, qui a présenté à Cannes une version revisitée sans son accord, avec une lumière gonflée à la « Disney », des coupes de scènes clés, et surtout l’élimination de la bande originale de Bruce Springsteen qui avait offert exceptionnellement quelques-uns de ses plus grands tubes pour le film. Malaise à Cannes d’autant que Cher, dont c’était le premier film, prend le parti du studio. Et Bogdanovich de devenir un paria...
Aussi, il ne faut pas chercher, pour le lecteur, des références à une carrière de monument du cinéma américain. Bogdanovich, malgré tous ses bons films dans les années 70, n’a jamais réussi à devenir un auteur qui compte. Hollywood et la cinéphilie mondiale se sont passés de lui pendant plus de 30 ans, ignorant l’auteur inspiré de Jack le magnifique, La Barbe à Papa et surtout La dernière séance.
Carlotta Films - GM Editions
Pourtant les conversations avec Thoret sont passionnantes. Près d’une décennie d’échanges, qui se justifient peut-être par le regain d’intérêt un peu artificiel qu’ont provoqué Tarantino et Wes Anderson, en déclarant à qui voulait les entendre leur admiration pour cet homme dont le cinéma, souvent maudit, pourrait paraître comme l’élégie d’une Amérique qui n’est plus.
Il ne connaît pas le Texas qui va faire de lui sa renommée, n’est pas porté sur la musique country, mais son œuvre va transpirer jusqu’à Nashville Blues, une puissante influence de ce macrocosme, que l’on retrouve aussi dans le documentaire rock de 2007 Tom Petty & the Heartbreakers. L’occasion pour Bogdanovich de s’en prendre à Robert Altman, dont il n’a peut-être pas apprécié le succès sur plusieurs décennies, et son classique Nashville, puisque Bogda n’apprécie pas la façon dont il a traité les autochtones et la musique, lui reprochant en particulier la fin dramatique…
Ancien critique de cinéma – à qui il manque beaucoup de grands films contemporains à sa connaissance, comme le soulignent certaines questions que Thoret lui pose -, Bogdanovich critique surtout beaucoup les individus. S’il aime John Ford et les grands cinéastes qui l’ont précédé, il abat Billy Wilder, l’œuvre et son tempérament. Il ne ressent guère d’affinité pour le nouvel Hollywood, allant, tant qu’à faire, jusqu’à s’en prendre à un certain Brian De Palma.
Sacré Bogdanovich qui relate ses années Corman (La Cible) et l’influence européenne des grands auteurs américains de l’époque, qu’il critique pour le manque de rythme des Bergman ou Antonioni. Non, il n’aime pas vraiment Antonioni, voire pas du tout. De la part d’un auteur, on sent une certaine frustration… tous les noms mentionnés ont su avoir une carrière qui a marqué les cinéphiles au-delà des décennies après leur mort. Pour Bogdanovich, le manque de notoriété fait de lui un éternel revanchard qui use beaucoup de sa collaboration avec Orson Welles pour légitimer sa vision à lui du 7e Art, une vision trop rigide pour vraiment convaincre. Cela transpire au fil de ces conversations où il cite plus qu’il n’en faut Welles comme étant la seule référence possible.
Comme tous les auteurs phare des années 70, Schrader, Coppola, Cimino, lui aussi évoque sa ruine financière, les mauvais projets de producteurs qu’on lui a imposé, et c’est ainsi que Dino de Laurentiis pour lequel il a tourné Illégalement vôtre, un inédit cinéma en France avec Rob Lowe, en prend lui aussi pour son grade. Le producteur était autoritaire et imposait à la dernière minute des coupes ou des lieux de tournage modifiés en fonction de ses envies de vacances…
Dans ce que dit Peter Bogdanovich, on ressent une distance à l’égard des acteurs, mais revient quand même sur sa rencontre avec le mannequin Cybill Shepherd, dont il tombera amoureux sur le tournage de La Dernière Séance, alors que son épouse légitime préparait le film avec lui.
Il évoque aussi la tragédie de Dorothy Stratten, à qui il consacrera un livre providentiel, disponible parallèlement en français chez Carlotta, La mort de la Licorne, où il relate les conséquences de sa liaison avec le jeune sex-symbol Dorothy Stratten, sur le tournage de Et tout le monde riait… (le film qui le ruina, ni plus ni moins). Alors qu’elle n’était âgée que de 20 ans, cette ancienne playmate fut assassinée par son époux, dans des conditions d’une brutalité extrême. C’est de sa vie dont il s’agit dans le film de Bob Fosse, le classique Stars 80.
Bouquin passionnant qui déborde de cinéma, ce tour de force de Jean-Baptiste Thoret, dont on ressent une maîtrise immense de ses sujets (en près de dix ans d’interviews, il évoque énormément de choses variées, même le 11 septembre), ne nous fait pas apprécier Bogdanovich l’homme. On peut même trouver les louanges un peu excessifs, mais qu’importe, on est au plus près de la réalité et de la vision de l’époque d’un cinéma américain écrasant, qui n’a toujours pas fini de révéler tous ses secrets. Les arcanes du cinéma de Bogdanovich nous passionnent plus que l’auteur et en cela, on remercie Thoret pour cet incroyable boulot.
© Carlotta Films. Co-édité avec GM Editions - Tous droits réservés.
Date de publication : le 18 octobre 2018
Livre de 256 pages
Inclus archives, plus de 250 photos inédites
+ 1 DVD inédit : ONE DAY SINCE YESTERDAY, PETER BOGDANOVICH
ET LE FILM PERDU (documentaire de de Bill Teck
20,5 cm x 25,5 cm | Relié | 256 pages
Galerie Photos
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