Touché coulé
Le 9 décembre 2022
Après un démarrage percutant qui promet de dépoussiérer le genre, Le Chant du Loup plonge dans un océan de clichés et sombre dans les abîmes des mauvaises formules américaines.
- Réalisateur : Antonin Baudry
- Acteurs : Mathieu Kassovitz , Omar Sy, François Civil, Reda Kateb, Jean-Yves Berteloot, Damien Bonnard, Paula Beer, Alexis Michalik
- Genre : Action, Thriller, Film de guerre
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Date télé : 21 mars 2024 23:20
- Chaîne : W9
- Date de sortie : 20 février 2019
Résumé : Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique. Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable.
Critique : C’est la guerre, l’heure n’est plus aux petits enjeux personnels et à la légèreté de la description du microcosme des relations diplomatiques que Baudry mettait en scène dans son succès de bande-dessinée, Quai d’Orsay. Désormais, la Russie a envahi la Finlande. Tel est donc le prétexte scénaristique sur lequel Antonin Baudry a basé son premier film en tant que réalisateur.
Il lance son récit comme un cri d’amour au film d’action de sous-marin, auquel le cinéma français s’était peu frotté jusqu’à présent, faute de moyens, mais que le cinéma d’action américain a allègrement surexploité dans les années 90 (A la poursuite d’Octobre Rouge, USS Alabama, U-571, Sphère, K19…). Or, en allant piocher dans les codes de ces films, oscillant entre le blockbuster de série A et les séries B costaudes, Baudry s’essaie à un modèle ouvertement chargé en références et en stéréotypes.
- © Julien Panié. Tous droits réservés.
C’est précisément le cas du personnage de jeune marin enthousiaste, incarné par François Civil, rouage central au sein d’une équipe de sous-mariniers qui ouvre le film magistralement et personnage principal d’une trame terrestre, plus…terre à terre par la suite. L’enquête qu’il va mener au grand dam de sa hiérarchie et la love interest qu’il va rencontrer en la personne de Paula Beer, sont deux sous-intrigues archétypales et caractéristiques de l’aspect vintage de la partie majeure du long-métrage. Cependant, le scénariste faisant alors preuve d’un terrible manque de subtilité dans son écriture, on peut surtout y voir davantage un manque d’inspiration qu’une volonté de jouer avec une dramaturgie ultra référencée qui saute aux yeux.
- © Julien Panié. Tous droits réservés.
Pourtant, l’excellent prologue réussit à ouvrir le film avec efficacité, se révélant d’une redoutable intensité : on croit à la situation d’urgence et à la mission de sauvetage qui se met en place. Le réalisme devient un élément essentiel à cette réussite. La reproduction minutieuse et documentée de tous les protocoles, qu’ils soient gestuels pour les soldats au sol ou lexicaux pour les sous-mariniers (au risque d’y perdre les non-initiés), est essentielle à la vraisemblance et à la mécanique du suspense que l’excellent découpage ne cesse d’amplifier. Ainsi, même si on ne connaît pas ces personnages, c’est parce que l’on croit en leur existence que l’on frémit pour eux. Ils n’ont plus lieu d’être...
Mais tout cela, c’est jusqu’à ce que l’on apprenne que la Russie a envahi la Finlande, véritable point de rupture dans la narration.
- © Julien Panié. Tous droits réservés.
Après avoir réussi à nous prendre aux tripes contrairement à nombre de films de guerre ces dernières années, le changement radical d’approche enterre l’argument réaliste et permet donc aux codes du cinéma de genre de reprendre brutalement le dessus sur le réalisme du décorum militaire jusque-là au cœur du dispositif. La frugalité de l’intrigue des premières minutes, au profit de grosses ficelles scénaristiques bien connues de tous, n’est donc pas l’unique victime de ce changement de ton. Cette fracture se retrouve dans la direction d’acteurs, maladroite. L’exemple d’Omar Sy est révélateur. Alors que l’on se surprenait, dans un premier temps, à voir le comédien disparaître derrière son personnage de haut gradé, sans doute aidé par le montage ultra dynamique, il suffit –une fois qu’il est acté que nous sommes dans une fiction et donc qu’on peut se le permettre– qu’il fasse une petite blague, et, aussitôt, il devient bien plus difficile de le prendre au sérieux. Il faudra attendre une heure supplémentaire pour que la mise en scène vienne elle-même redonner un semblant de grandeur et de souffle dramatique à son personnage.
- © Julien Panié. Tous droits réservés.
Malgré les lourdeurs qui s’accumulent, on aimerait pardonner l’inexpérience de Baudry et blâmer la production de ne pas lui pas avoir permis de réaliser l’intégralité de son film dans le huis-clos d’un sous-marin. Sa volonté de travailler sur le son, en se concentrant sur le personnage d’expert en acoustique, ne persiste malheureusement pas face à la transformation qu’a subi son scénario dès l’instant où les personnages ont mis le pied à terre. On ne peut alors qu’attendre impatiemment qu’ils retournent dans leur submersible et qu’Antonin Baudry réitère la maîtrise avec laquelle il a ouvert son film. Mais, quand l’intrigue s’accélère, ce qu’il restait encore de crédibilité au récit est sacrifié sur l’autel de la surenchère des enjeux, qui apparaît pourtant comme une continuité naturelle de la direction obsolète et prévisible prise par le scénario.
Le schéma dramaturgique va alors virer vers un développement programmatique romanesque de série B rebattu et auquel il devient plus difficile d’adhérer pleinement. Le point de non-retour est si radical que chaque effort du réalisateur pour alimenter la gravité de la situation ne fait que renforcer, paradoxalement, l’impression d’assister à un divertissement impersonnel. La mise en scène s’agrémente de plus en plus d’effets pompiers, à commencer par l’usage appuyé d’une musique sentencieuse. Pareillement, les dialogues voient se multiplier les punchlines écrites à la truelle qui achèvent la transformation des personnages en caricature, alors que leurs relations sont la clef du suspense.
- © Julien Panié. Tous droits réservés.
A cause de tous ces poncifs, Baudry n’arrivera jamais à retrouver l’intensité de l’ouverture, où pourtant les enjeux se limitaient au sauvetage de quatre soldats anonymes. L’effet miroir entre la scène d’action qui ouvre et celle qui clôt ce long-métrage, illustre particulièrement bien l’opposition entre ce que ce film de sous-marin peut offrir de plus efficace d’un coté, et de plus indigeste de l’autre. C’est de là que naît le sentiment de déception qui alimente le film.
Quand on réfléchit au fait que l’intention première de Baudry était –comme c’était déjà le cas dans Quai d’Orsay – la dénonciation des institutions et de leurs protocoles, il est d’autant plus décevant de le voir se casser le nez sur d’autres conventions, non pas politiques ou militaires, mais bel et bien cinématographiques. Et le comble dans tout ça, c’est que son scénario en arrive au final à complètement oublier le sort de ces pauvres Finlandais envahis par les Russes.
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Caroline 12 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Je suis désolée mais je ne suis pas amatrice des films américains des années 90. Donc je n’ai pas toutes les références auxquelles vous faites allusion dans votre critique.
Cela étant dit, je vous trouve incohérent dans votre notation : vous ne mettez que 1 étoile et ce n’est pas ce qu’il mérite.
J’ai tout aimé, du début jusqu’à la fin... tellement que je me trouve ici, sur votre site à défendre une oeuvre que j’ai profondément aimé.
Je finirai par cette citation :
"À bien des égards, la tâche du critique est aisée. Nous ne risquons pas grand-choses, et pourtant, nous jouissons d ’une position de supériorité par rapport à ceux qui se soumettent avec leur travail, à notre jugement. Nous nous épanouissons dans la critique négative plaisante à écrire et à lire. Mais l’amère vérité, qu’il nous faut bien regarder en face, c’est que dans le grand ordre des choses, le mets le plus médiocre a sans doute plus de valeur que la critique qui le dénonce comme tel. Il est pourtant des circonstances où le critique prend un vrai risque : c’est lorsqu’il découvre et défend l’innovation. Le monde est souvent malveillant à l’encontre des nouveaux talents et de la création. Le nouveau a besoin d’amis.¨
... Ratatouille.
Gwen 15 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Pour ma part, je ne suis pas un fidèle des salles de cinéma, par contre je compte 21000 heures de plongée sur sous-marins. J’étais par contre accompagné d’un jeune de 25 ans qui va au cinéma 2 à 3 fois par semaine ...voire 4 ! Il va voir du tout type, du tout genre ...
Je suis donc allé à l’avant-première hier soir à Brest, ville entre autres de marins et de sous-mariniers. Inutile de vous dire que nous, anciens et nouveaux sous-mariniers, étions assez nombreux dans la salle. En ayant écouté les échanges avec l’équipe du film dont le réalisateur après la séance, je n’ai pas l’impression qu’il y ait une quelconque corrélation avec votre critique un peu gratuite ! Je pense que les sous-mariniers ne sont pas très expansifs sur leur métier en général et que, comme moi, ils ont sans doute aussi regardé ce film avec un œil différent, un œil qui guettait un moment trop romancé ou une aberration notoire sur leur métier et leur vie de marin. Pour avoir vécu des milliers d’heures au Central Opérations, des dizaines de poste de combat, je trouve que les scènes sont plutôt justes... Après ce n’est pas un reportage, c’est un film, un bon film ! C’est juste la vision d’un ancien sous-marinier qui aura participé à maintenir en son temps la puissance de la France grâce à la dissuasion. Un quidam "moyen" ne peut pas comprendre ! Dans le film, une citation d’Aristote si je ne me trompe pas : "il existe 3 types d’hommes : les vivants, les morts et les hommes qui sont en mer ...". Un sous-marinier est dans cet ordre : sous-marinier, spécialiste technique (informaticien, mécanicien, atomicien, électricien, cuisinier etc.) puis militaire !
Pour le passionné de cinéma qui m’accompagnait : "super film !" ... désolé ! Il va retourner le voir une seconde fois ... Que dire de plus !
Vive la sous-marinade avec ses hommes plein de valeurs, valeurs très difficiles à retrouver quand on a quitté ce monde.
Merci au réalisateur de les avoir mis en valeur de façon plutôt réaliste.
sergezzr 15 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Même si les tensions et le suspense entretenus dans ce film sont remarquables de réussite, il n’en demeure pas moins qu’il me rappelle les gros nanards de propagande Américaine anti Russes sournoise mais efficace dans les esprits. A éviter.
CorneliusKramm 15 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Pour ma part, j’ai passé un super moment. Et oui, "Mr le critique" il y a certes un moment précis où le "suspension of disbelief" a un peu de mal à passer mais selon moi, ça ne correspond pas vraiment à votre analyse sans aucune nuance. Je la trouve même à la limite du malhonnête intellectuel. Un conseil : redescendez de votre piedestal et essayez de retrouver des émotions plutôt que de sombrer dans votre océan d’analyses hautaines et au final bien creuses.
le gall 23 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Dommage monsieur le critique de cinéma que vous n’ayez pas su lire les quelques phrases au début du film.
Aristote...
Vous ne vous rappelez pas ?
Ce film est génial et il illustre bien les sentiments les tensions et l’émotion des hommes face à la mer à leurs devoirs et aux autres.
Pour une fois que les Français s’attaque a un thème inhabituel il est parfaitement réussi.
C’est plus facile de critiquer que de faire...
Moi-même marin, je vous invite pas forcément sur un navire de la Royale mais par exemple sur un navire de pêche au large d’aller faire une marée de 10 à 12 jours peut-être comprendre et vous ce qui se passe en mer.
Peut-être vous rappellerai vous de la d’âge de tous les marins :
Tout ce qui se passe en mer reste en mer...
très bon film je recommande et j’espère que ce sera un succès pour le cinéma français.
guillaume 27 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
bonjour, c’est tellement dommage d’écrire des choses pareilles ! en partie fausses, non fondées, sans le moindre recul et évidemment pas la moindre indulgence, ni la reconnaissance d’un travail dont vous ne soupçonnez pas l’ampleur a priori. Je n’arrivais pas à me faire une idée du film après l’avoir vu. Donc pour la première fois de ma vie alors que je vais au cinéma au moins 2 fois par semaine, je lis les critiques. Votre analyse est tellement peu juste que, en l’analysant, j’ai pu en déduire que ce film est vraiment bon dans son genre car, avant tout, il m’a pris aux tripes ! Comme "Das Boat", le meilleur film de sous marin que je connaisse. Une chose est sure : je ne lirai plus jamais les critiques. Excellente journée
Maufy 27 février 2019
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Bonjour,
Vous avez mis 1 étoile ? Mais c’est beaucoup trop !!!! En tant qu’ancien sous marinier et plongeur de bord, je trouve ce film pitoyable !! L’histoire est nulle, les acteurs jouent très mal. Même s’il s’agit de fiction, la fiction est mauvaise !Cela ressemble à un mauvais film de propagande Américaine type Independance day, ou les officiers supérieurs jouent les héros avec un lance roquette ou en plongeur avec un marteau pour aller taper à la coque d’un SNLE , ridicule !! Comparer ce navet avec Das boat me fait mal aux tympans !!
J’étais très excité d’aller voir ce film ,je pensais voir un remake de ’’A la poursuite d’Octobre rouge’ mais mon excitation est vite retombée au bout de 5’.
Quel dommage !!
alemoine 15 janvier 2020
Le Chant du Loup - Antonin Baudry - critique
Ce film vaut au moins quatre étoiles (mais pour une raison ou une autre, la fonction du commentaire ne me laisse en mettre que trois).
Les acteurs sont crédibles, les décors réalistes et le scénario intéressant. Ça fait vraiment plaisir de voir une bonne production française, et en particulier un film de guerre.
Mais pour ce qui est de la critique d’Allociné, quelles sont vos instructions au juste ? Servir les intérêts d’Hollywood en descendant de façon franchement malhonnête une production française ?
Et moi qui croyait que depuis 2013, vous aviez été racheté à Tiger Global, fond d’investissements américain, par un milliardaire Français...À se demander qui tire toujours les ficelles.