Le 28 juillet 2023
Plus qu’un film, La voix d’Aïda est un témoignage aussi magnifique qu’effroyable sur le massacre de Srebrenica. Pour que personne n’oublie plus jamais ...
- Réalisateur : Jasmila Zbanic
- Acteurs : Boris Ler, Jasna Đuričić, Izudin Bajrović , Dino Bajrovic
- Genre : Drame historique
- Nationalité : Français, Allemand, Polonais, Norvégien, Autrichien, Turc, Néerlandais, Roumain, Bosniaque
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h44mn
- Date télé : 28 juillet 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : Quo vadis, Aida ?
- Date de sortie : 22 septembre 2021
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Srebrenica, juillet 1995. Modeste professeure d’anglais, Aida vient d’être réquisitionnée comme interprète auprès des Casques Bleus, stationnés aux abords de la ville. Leur camp est débordé : les habitants viennent y chercher refuge par milliers, terrorisés par l’arrivée imminente de l’armée serbe. Chargée de traduire les consignes et rassurer la foule, Aida est bientôt gagnée par la certitude que le pire est inévitable. Elle décide alors de tout tenter pour sauver son mari et ses deux fils, coincés derrière les grilles du camp.
Critique : En 1945, le monde découvrait avec stupeur les charniers des peuples juif, homosexuel, handicapé et tzigane dans les camps de la mort. Les voix s’élevaient pour dire que plus jamais l’Europe ne s’abaisserait à une telle brutalité. Mais les années passent, avec des problèmes de frontière et d’identité culturelle que les politiques repoussent depuis la Première Guerre mondiale. Et en 1995 a lieu, à quelques centaines de kilomètres de Paris, un nouveau génocide, commis cette fois sur les musulmans bosniaques par les dirigeants serbes. L’Histoire se répète inlassablement, en dépit des cris que certaines et certains poussent à l’endroit des décideurs du monde. C’est le cas d’Aïda. Elle est interprète dans un camp de l’ONU où se regroupent les populations affamées de Srebrenica, après que l’armée serbe a bombardé la ville et fait fuir les habitants. Elle assiste au spectacle d’une humanité humiliée, qui dort et défèque à même le béton du hangar où les personnes s’entassent, quand elles ont eu la chance d’y accéder. Elle est aussi une mère de famille qui voudrait protéger ses enfants d’un massacre qui ne va pas tarder à survenir.
- Copyright Deblokada / Christine A. Maier
La voix d’Aïda est un film sans concession. On ne vient pas regarder ce récit tragique par hasard. Car le spectateur ressort abasourdi et littéralement écrasé par le choc des images. On peine pendant presque deux heures à imaginer que la communauté mondiale savait et que pour de vagues raisons logistiques, elle a laissé les événements se dérouler. On est en Europe, en pleine période Jospin, où la croissance était très bonne et la relance économique bénéficiait à la France. Le long-métrage restaure la mémoire. La caméra fuit les effets de style inutiles. La mise en scène reconstruit, à la façon d’un entomologiste, les faits qui ont traumatisé la Bosnie à jamais. Les moyens visuels sont déployés, avec un très grand nombre de figurants, des costumes, des décors et des accessoires somptueux, car un tel film ne doit surtout pas rater son ambition. Jasmila Žbanić réalise une œuvre sur les écrans pour marquer les consciences et les souvenirs. La metteuse en scène ne protège pas son spectateur. La matière narrative est brute, violente, mais tellement nécessaire.
- Copyright Deblokada / Christine A. Maier
Le film trouve sa réussite dans l’interprétation sans faille de Jasna Đuričić. La comédienne semble totalement absorbée par ce récit, comme si, à travers son rôle, elle devait à son tour témoigner de nos mémoires défaillantes et de la déraison de l’Histoire. Elle déploie une énergie incroyable et incarne une interprète au service de l’ONU, tout aussi idéaliste que visionnaire sur ce que les autorités mondiales ne pourront pas empêcher. Elle cherche à sauver sa propre famille, au mépris de sa propre survie. En ce sens, cela ne fait pas d’elle un personnage manichéen. Elle choisit de protéger les siens avant tout et exécute sans broncher les ordres que les militaires lui assènent. Elle s’empêche de penser, tenant son corps dans un mouvement perpétuel. On oublie qu’il s’agit d’un film. La caméra emporte le spectateur dans cet hangar, aux côtés de commandants de l’ONU, sinon complices, en tous les cas impuissants face à la barbarie du général Ratko Mladić.
- Copyright Deblokada / Christine A. Maier
A l’aune d’une actualité mondiale toujours plus inquiétante, de génocides qui se perpétuent encore à travers la planète, La voix d’Aïda est une œuvre importante dont les spectateurs se doivent de regarder. Il en va de notre honneur, de la promesse que jamais plus, l’Europe ne se salisse d’un pareil massacre.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.