La vie rêvée de Miss Fran - Rachel Lambert - critique

Critique : "Silencieuse" est un euphémisme. Miss Fran vit dans sa bulle, son monde intérieur, elle se rêve seule au cœur d’une forêt tropicale ou dans une hutte isolée du reste du monde. Son existence est routinière, exempte de toute fantaisie et de plaisir. Quand les collègues fêtent un départ en retraite, elle préfère s’éloigner et déguster la part de gâteau devant son ordinateur. En même temps, dans cet écrin de mer et de nature, la vie semble bien morose pour nombre d’habitants qui partagent leur existence entre l’activité professionnelle et le cocon familial. La vie rêvée de Miss Fran est une œuvre tout autant délicate, empathique, que profondément sévère contre nos sociétés contemporaines qui ont mis l’individu au cœur du système et transfère peu à peu l’appartenance collective, le faire-ensemble vers la solitude des réseaux sociaux.

Copyright Condor Distribution

Le film de Rachel Lambert, connue essentiellement pour ses activités de scénariste, n’offre pas une critique frontale et dure contre le modèle social actuel aux États-Unis. Le récit procède par petites touches sensibles, grâce une économie d’effets de style et une caméra discrète qui refuse toute forme d’excès. Miss Fran est présentée comme une jeune femme certes étrange mais fascinante, oscillant entre une sorte d’autisme et une immense pudeur. Daisy Ridley incarne ce personnage avec une véritable évidence. Elle est loin du rôle de Rey dans Star Wars : les derniers Jedi, confirmant s’il l’était nécessaire son admirable talent de comédienne. Se taire, éviter les gestes de trop est sans doute bien plus complexe que s’agiter devant une caméra. Les silences qui l’habitent, les regards qui transparaissent en disent tellement plus que des litres de dialogues dans une mise en scène précise et épurée.

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Par bien des aspects, le long-métrage semble emprunter une mise en scène assez proche du cinéma québecois. L’humour côtoie merveilleusement des portraits caustiques et redoutablement efficaces. Rachel Lambert fait preuve d’une grande ingéniosité dans la manière qu’elle utilise pour filmer les visages, les rares paysages marins, rajoutant à la cruauté des sentiments et des existences passagères. Il faut surtout noter la volonté de la réalisatrice de ne jamais figer ses protagonistes dans la caricature. Et il y a notamment à travers le personnage masculin un hommage très gracieux rendu au cinéma qui fonctionne par ellipses ou références à des bandes originales sensibles.

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Sans aucun doute, La vie rêvée de Miss Fran constitue un petit joyau de sensibilité et de pudeur sur les écrans de cinéma. Voilà un film simple et romanesque qu’il faut aborder pour ce qu’il est : le portrait délicat et cruel de solitudes contemporaines.