Mean streets
Le 18 février 2010
Violent et dur, ce documentaire sur la réalité infernale des gangs du Salvador est pour le spectateur un véritable coup de poing dans l’estomac, et pour son réalisateur un coup de maître.
- Réalisateur : Christian Poveda
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Espagnol, Français, Mexicain
- Editeur vidéo : BAC Vidéo
- Date de sortie : 30 septembre 2009
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur DVD
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– Durée : 1h30min
– Date de sortie DVD : le 2 mars 2010
Violent et dur, ce documentaire sur la réalité infernale des gangs du Salvador est pour le spectateur un véritable coup de poing dans l’estomac, et pour son réalisateur un coup de maître.
L’argument : On les appelle les Maras. Construits sur le modèle des gangs de Los Angeles, ces groupes de jeunes sèment la terreur dans toute l’Amérique Centrale. Plongée dans les banlieues de San Salvador dans le quotidien des membres d’une armée invisible. Nouveau fléau mondial qui détruit par la violence aveugle les principes démocratiques et condamne à mort une jeunesse privée de tout espoir d’avenir.
Notre avis : La fureur de vivre... et de mourir. Il règne sur La vida loca un parfum âcre de mort, et pas seulement parce que son réalisateur, Christian Poveda, a été assassiné - avec une froideur semble-t-il toute calculée - au Salvador peu avant la sortie de son documentaire. Une mort omniprésente : par les coups de feu, les cadavres, les veillées funèbres. Le film est ponctué par les enterrements, qui fonctionnent comme les signes extérieurs de la violence extrême et absurde d’une guerre des gangs dont la source, plus légendaire que consciente, semble dérisoire par rapport au drame qu’elle a généré. Des meurtres eux-mêmes, ou de leur préparation, nous ne verrons rien - tout au plus des blessures de guerre ou des rites initiatiques en forme de passage à tabac - ; manière d’échapper au caractère criard de reportage choc, ce qui n’empêche pas le sang, les balles et les coups d’être présents, en arrière-fond constant du film. Nous n’aurons pas plus de voix-off, à rebours d’une conception didactique et soigneusement distanciée du documentaire les images se forgent leur propre commentaire en contrepoint, parfois au risque de la désorientation du spectateur : que pouvons-nous éprouver face à une situation imaginable en tous lieux (les ravages empoisonnés d’une guerre civile mal cicatrisée, des gosses de rue livrés à eux-mêmes, une réponse répressive sans merci), mais tellement délirante, à l’image de la « vie folle » (la vida loca) du titre ?
Car Poveda joue consciemment avec les frontières de la fiction, dans un miroir étrange entre cinéma-vérité et fresque humaniste. Habitués à vivre leur vie comme des personnages de séries B ou de films de gangsters - ils se surnomment « Chucky », « Little One », « El Nueve »... -, les membres des maras connaissent les mêmes sorts tragiques, écrivant une légende urbaine à la logique cauchemardesque et sans fin. Ce pourrait être une saga criminalo-familiale à la Coppola sur fond de hip-hop hispanique ; le tremblé imprévu de la caméra et les ellipses discrètes nous rappellent à la réalité, même lorsque tatouages tribaux et oraisons funèbres semblent renvoyer à un univers à mille lieues de la civilisation moderne. Le credo de Christian Poveda, que l’on pressent impliqué au plus profond dans le quotidien de cette violence ordinaire, y compris dans ce qu’elle peut entrevoir d’espérances (le film s’ouvre sur un projet de réinsertion des jeunes du gang, un atelier de boulangerie collectif et transparent), réside dans le rôle du documentariste comme « passeur » davantage que comme moraliste. Conception peut-être apparemment minimaliste de la signature de l’auteur - bien qu’il soit présent avec force par sa fonction même de montreur d’images -, mais qui a le mérite à la fois d’oser donner la parole à ceux qui, dans l’espace public, en sont habituellement privés, et d’interpeler sans détours le spectateur. Avant d’arpenter les rues tristes des territoires de gangs, Christian Poveda avait filmé la guerre civile et ses cadavres anonymes ; constat amer que près de trente ans plus tard et des générations consumées dans une paix fragile, la seule vérité qui demeure est celle d’une volée de balles en pleine tête.
Le DVD
Une édition riche, à la hauteur de l’hommage que les éditeurs ont souhaité rendre à Christian Poveda, et qui vient compléter avec bonheur le travail du documentariste.
Les suppléments
De nombreux reportages autour du film (Envoyé Spécial sur la mort de Christian Poveda, interviews en français et en espagnol sous-titré du réalisateur...), et "au-delà" du film, beaucoup de suppléments puisant dans le travail même du cinéaste (notamment son reportage sur la guerre civile au Salvador, malheureusement dans une copie déplorable, et ses "portraits" de membres de gangs). Parfait pour tous ceux qui auraient besoin de poser une voix sur le silence écrasant du film.
Image
L’image du documentaire lui-même - tourné en caméra vidéo à la manière d’un reportage - est assez correcte ; point noir cependant pour les suppléments, notamment les extraits télévisuels (interview et reportages), pixellisés ou granuleux, selon leur date de production... A noter, un sous-titrage parfois un peu fantaisiste - ce dont on se rend compte même sans savoir un mot d’espagnol...
Son
Si le mixage de la bande sonore est très acceptable - un 5.1 très "percutant" sur les effets -, là encore la prise de son laisse à désirer pour les suppléments ou pour les interviews, sans gêner totalement l’écoute.
Galerie photos
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