Règlements de compte à Monterey Bay
Le 19 juin 2018
L’unique réalisation de Marlon Brando est un western insolite, qui marque la transition entre le classicisme romantique des années 50 et la modernité désabusée des décennies suivantes.
- Réalisateur : Marlon Brando
- Acteurs : Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Ben Johnson, Pina Pellicer
- Genre : Western
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Films sans Frontières
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 2h21mn
- Box-office : 1 792 896 entrées France / 347 582 entrées P.P.
- Titre original : One-Eyed Jacks
- Date de sortie : 6 octobre 1961
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Résumé : Sonoran Mexique, 1880. Après un hold-up, Dad Longworth (Karl Malden) abandonne son jeune complice Rio (Marlon Brando) aux mains des autorités et disparaît avec le butin. Cinq ans après sa sortie de prison, Rio retrouve Longworth devenu un homme respectable, père de famille et shérif d’une petite ville de Californie. Va-t-il réussir à se venger ?
- LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES © 1960 PENNEBAKER, INC. Tous droits réservés.
Critique : Produit par Paramount, La Vengeance aux deux visages, adapté d’un roman de Charles Neider, connut un tournage épique et mouvementé. Stanley Kubrick abandonna la réalisation, et Sam Peckinpah, qui n’était pas encore très connu, quitta le navire des scénaristes. Brando obtint le droit d’assurer la mise en scène, mais les caprices et la mégalomanie de la star entraînèrent de nombreux conflits sur le plateau, un dépassement de budget et un montage mal maîtrisé, ce qui contraignit les producteurs à charcuter le film, dont la durée initiale était de quatre heures. Malgré ces déboires, l’unique réalisation de Marlon Brando est une réussite du western, sans valoir toutefois les chefs-d’œuvre de Ford ou Mann, et sans atteindre la splendeur narrative et visuelle de La Nuit du chasseur, autre incursion exceptionnelle derrière la caméra d’un comédien de génie (Charles Laughton). La force de La Vengeance aux deux visages est de mêler une histoire trouble de règlements de comptes entre deux hommes avec le récit d’une relation équivoque, lorsque Rio décide de séduire Louisa, la fille adoptive de son ex-complice. Le scénario prend alors des allures de tragédie antique, accentuées par la tournure œdipienne des rapports entre Rio et Dad. Les deux visages de la vengeance sont-ils d’ailleurs ceux du personnage de Brando ou les aspects de la personnalité d’un ancien truand devenu l’incarnation de la loi, et qui semble avoir une rancœur particulière envers son ami et rival ? Les séquences d’action, d’une brutalité inouïe pour l’époque, annoncent le cinéma de la violence représenté quelques années plus tard par La Horde sauvage de Peckinpah ou Little Big Man d’Arthur Penn : le tabassage d’un alcoolique libidineux (Timothy Carey) ou la flagellation publique de Rio en sont les passages emblématiques.
- LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES © 1960 PENNEBAKER, INC. Tous droits réservés.
C’est que dans le genre du western, La Vengeance aux deux visages semble être un film de transition entre le classicisme romantique des années 1950 (Le Train sifflera trois fois) et la modernité désabusée des décennies suivantes qui culminera avec les œuvres de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars) ou Clint Eastwood (Impitoyable). Il faut aussi souligner la qualité de l’équipe artistique et technique qui entoure Brando. On appréciera en particulier la remarquable photo de Charles Lang, dont les prises de vue sur le désert mexicain ou les plages de Monterey furent honorées par une nomination aux Oscars. La distribution est également impeccable. Les acteurs mexicains s’intègrent harmonieusement au casting américain, surtout Pina Mellicer, jeune actrice sensible et photogénique, qui devait se suicider trois ans après la sortie du film. Ben Johnson, figure fordienne, incarne avec truculence un second rôle de bad guy manipulateur et charismatique. Des seconds couteaux complètent avec bonheur la galerie, de Slim Pickens en shérif adjoint pervers à Sam Gilman en acolyte placide, en passant par Elisha Cook Jr. en caissier curieusement héroïque... Mais c’est surtout l’affrontement entre Marlon Brando et Karl Malden qui frappe le spectateur. Les deux acteurs, tous deux membres de l’Actors Studio, avaient déjà été réunis par Elia Kazan dans Sur les quais. Leur jeu atteint une rare intensité, sans esbroufe ni cabotinage.
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