La surface de réparation - la critique du film

Critique : En langage de footeux, la surface de réparation correspond à la partie rectangulaire située devant les buts. Une faute commise dans cette zone est plus pénalisante pour l’attaquant que si elle a lieu à un autre endroit du terrain, puisqu’il est en position de marquer. L’arbitre offre donc à l’équipe adverse la possibilité de réparer l’injustice qui lui est faite. Laissons donc de côté les rouages et les techniques footballistiques pour nous pencher plus avant sur le sort injuste et ambigu (à la fois rejeté et entretenu par ceux qui le subissent) réservé aux malchanceux qui pour quelque raison que ce soit sont passés à côté de leur carrière. Car c’est avant tout à la psychologie de ceux qui sont restés sur le banc de touche que Christophe Régin, dont les courts-métrages Adieu Molitor en 2009, puis plus récemment Bangkok United, ont déjà affirmé le penchant pour les losers attachants particulièrement dans le monde du sport, consacre son premier film qu’il installe au cœur du centre de formation du FC Nantes, au milieu de ses supporters et de ceux qui y travaillent.

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Même s’il n’en fait pas vraiment partie, Franck a su se créer une place de choix au sein du club. À la fois espion de dirigeant, intermédiaire des joueurs, chaperon pour les plus jeunes, il est fier d’être parvenu à s’octroyer une part du gâteau. C’est pourtant cette marginalité qui l’empêche de faire le deuil de ses rêves de jeunesse et d’avancer vers une vie plus stable. Homme à tout faire gentil, discret et consciencieux, il tente, dans ce milieu réputé pour ses dérives en tout genre, de faire vivre les valeurs de fidélité, travail et respect auxquelles ils croit. Sa rencontre avec des personnages équivoques bouscule son cocon douillet et le confronte à des dilemmes moraux et amoureux, permettant au passage de nous régaler d’une brochette de comédiens au jeu d’une justesse impeccable, allant d’Alice Isaaz dont la photogénie jamais démentie accorde au personnage de Salomé à la fois naïf et tragique une dimension romantique inattendue, à Hippolyte Girardot énigmatique à souhait dans le rôle de ce dirigeant à double facette, en passant par le charismatique Moussay Mansaly tout de subtilité et de complexité. Mais la plus belle surprise vient de la capacité de Franck Gastambide à tourner le dos à ses « Kaïrasseries » habituelles pour laisser libre cours au comédien sobre et sensible qui sommeille en lui. Il habille de toutes les nuances nécessaires ce personnage tout simplement humain, tiraillé entre désir d’exemplarité et besoin de reconnaissance.

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Si l’on peut reconnaître au réalisateur une parfaite maîtrise technique pour restituer l’authenticité des sentiments des personnages, on peut regretter que le scénario ouvre bon nombre de pistes, essentiellement identitaires, sans jamais y apporter de réponse, laissant le spectateur en proie à un sentiment de frustration, encore décuplé par une fin rapide et brutale.
Malgré cette distance imposée entre public et récit, le film délivre entre mélancolie et ironie un message émouvant et universel à tous ceux qui apprennent à s’accommoder de ce que la vie leur offre pour rendre supportable le renoncement à leurs rêves.