Le 7 juin 2022
Cette œuvre intense et tragique met en perspective la question sensible du Kosovo à travers le portrait d’une femme, résolue à faire de son existence et celle des autres femmes du village, un projet émancipation sociale et culturelle. Un film puissant.
- Réalisateur : Blerta Basholli
- Acteurs : Yllka Gashi, Cun Lajci, Aurita Agushi
- Genre : Drame social
- Nationalité : Suisse, Albanais, Macédonien, Kosovar
- Distributeur : ASC Distribution
- Durée : 1h23mn
- Titre original : Zgjoi
- Date de sortie : 1er juin 2022
- Festival : Festival de Sundance 2021
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Le mari de Fahrije est porté disparu depuis la guerre du Kosovo. Outre ce deuil, sa famille est également confrontée à d’importantes difficultés financières. Pour pouvoir subvenir à leurs besoins, Fahrije a lancé une petite entreprise agricole. Mais, dans le village traditionnel patriarcal où elle habite, son ambition et ses initiatives pour évoluer avec d’autres femmes ne sont pas vues d’un bon œil. Fahrije lutte non seulement pour faire vivre sa famille mais également contre une communauté hostile, qui cherche à la faire échouer.
Critique : On pourrait avoir tendance à écarter de la mémoire le traumatisme de guerre qui a fracturé le Kosovo, la Serbie et la Croatie de façon irréparable. Surtout, on ignore qu’à l’orée du passage dans les années 2000, les persécutions exercées par l’État serbe contre les Albanais du Kosovo ont ouvert la porte à un conflit tragique, encore très sensible au cœur d’une Europe qui peine à se reconstruire. La Ruche est un premier film brut, sans concession, qui force la mémoire du spectateur et le contraint à ne plus oublier que 13 000 Kosovares ont été massacrés par le régime de Slobodan Milosevic, dont 11 000 Albanais. Fahrije est l’épouse de l’un d’entre eux. D’ailleurs, le film s’ouvre sur une scène terrible où on la voit chercher parmi les cadavres qui jonchent un camion, si son mari ne se trouve pas parmi eux. L’homme a disparu, comme d’autres, la contraignant à survivre de la vente de miel. Cette situation est d’autant plus cruelle que toutes les femmes qui n’ont plus revu leur époux sont interdites de travail, et doivent affronter, en plus du deuil impossible, les décombres de la misère.
- Copyright ASC Distribution
Le titre même de La Ruche réfère naturellement à l’espace de production des abeilles dont Fahrije s’occupe jour après jour, mais aussi à cette initiative entrepreneuriale sur le mode d’une coopérative afin de permettre aux femmes du village d’échapper à leur condition. La réalisatrice, Blerta Basholli, s’inspire dans ce premier long-métrage de l’expérience véritable de Fahrije Hoti qui a créé la société "Krusha" vendant encore aujourd’hui cette purée artisanale de poivrons rouges, dans toute l’Europe, et entièrement fabriquée par des femmes. En ce sens, le film donne l’illustration de ce que pourrait être une économie sociale et solidaire en acte, permettant à la fois de créer de la richesse et permettre à des femmes contraintes de sortir de leurs conditions de domination par les hommes et de pauvreté.
- spip-slider
- Copyright ASC Distribution
Le ton est dur, âpre et sans concession. La réalisatrice montre la cruauté d’une société qui doit se remettre du massacre des siens et se perd dans un patriarcat d’un autre temps. Tout le long-métrage est porté par la comédienne Yllka Gashi, absolument fabuleuse. L’actrice, très connue au Kosovo, permet au cinéma albanais de sortir de l’ombre et donne à penser la tragédie qui a secoué l’ex-Yougoslavie peu avant l’entrée dans le second millénaire. Le duo constitué par l’actrice et la réalisatrice ne prend pas soin du spectateur. Il faut montrer telle quelle l’épouvante d’un État qui refuse l’émancipation de ses femmes et laisse la population dans le silence, sans qu’elle puisse faire son deuil. Le film fait enfin exister sur les écrans occidentaux la réalité d’une guerre qui n’a pas pansé ses plaies.
- Copyright ASC Distribution
La Ruche est un grand film de ce début d’été. Bien sûr, il semble une niche dans le paysage cinématographique européen. Pourtant, le long-métrage pose de façon éclairée la nécessité de se souvenir, et surtout d’enseigner une Histoire qui fasse justice aux populations persécutées du monde.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.