La Pecora Nera ouvre le journal d’un fou
Le 21 avril 2011
Délire et démence dans cet électrochoc italien à découvrir absolument.
- Réalisateur : Ascanio Celestini
- Acteurs : Maya Sansa, Ascanio Celestini , Giorgio Tirabassi
- Genre : Drame
- Nationalité : Italien
- Date de sortie : 20 avril 2011
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– Durée : 1h33mn
Délire et démence dans cet électrochoc italien à découvrir absolument.
L’argument : L’asile est le lieu où se concentrent le plus grand nombre de saints. Saints sont les pauvres fous qui dorment sous des draps chinois, suaires de fabrication industrielle. Sainte est aussi la soeur qui, à coté de la petite lumière qui illumine sa table de chevet, brille comme un ex-voto. Mais le saint des saints c’est le docteur, il est Jésus Christ.” C’est dans ces termes que Nicola nous raconte ces 35 ans “d’asile électrique”. Dans son cerveau disloqué la réalité et la fiction entrent en collision et génèrent des illuminations imprévisibles. Nicola est né dans les années 60 “les fabuleuses années 60”, et le monde qu’il voit à l’intérieur de l’institut psychiatrique n’est pas très diffèrent de la réalité que vivent les gens à l’extérieur. Un monde toujours plus vorace, où la seule chose qui semble ne pas pouvoir se consommer, est la peur.
Notre avis : "L’asile est le lieu ou se concentrent le plus grand nombre de saints" Nicola.
Concourant pour le lion d’or, La pecora nera fait deja une entrée remarquee dans le microcosme de la critique cinématographique. Troisième long-métrage de l’acteur, auteur, realisateur Ascanio Celestini, ce petit bijou de folie, tour à tour ironique et pathétique, nous conduit droit dans un univers de rêveries, d’illuminations, et de schizophrénie.
La pecora nera est un film déroutant en forme de rêve-cauchemar ou les bonnes soeurs deviennent des sorcières, les médecins des tortionnaires, et les patients de l’asile de pauvres dormeurs-rêveurs.
Tirée d’une histoire vraie, cette production italienne est née d’un journal intime, celui de Nicola. Trente-cinq ans "d’asile électrique" qu’Ascanio Celestini retranscrira d’abord par une performance de théâtre, puis par un roman, et enfin par un film qui le mettra à l’honneur doublement, puisqu’il se fait dans ce long-metrage, metteur en scene et interprète.
Alors que le choix pourrait paraître trop audacieux, l’exercice est parfaitement réussi, Celestini livrant une interprétation impressionante de notre héros schizophrene. Son jeu de pantonyme dansant, son sourire entre fragilité et espièglerie, son romantisme maladroit face à la femme qu’il aime, tout émeut en ce personnage marginal tenant presque de Buster Keaton. Inadapte au monde comme lui, Nicola se voit progressivement rejeté du monde réel par l’école, par sa famille, et par le personnel medical, pour finir par ne plus vivre que dans des rêves entrecoupes d’électrochocs.
Dans son despoir il se crée un ami imaginaire aux côtés duquel il n’est plus patient mais médecin, un homme "normal".
Mais qu’est ce que la normalité ?
La pecora nera est une dramaturgie emmêlée comme une pellote de laine dont-on ne dénoue les fils rouges qu’au grand final. Ici fiction et réalité se confondent tout autant que les espaces, les identités, les rôles et les valeurs.
Avec ce nouveau film Ascanio Celestini fait le choix d’une esthetique complète et plus complexe que dans ces précédentes oeuvres, alternant camera portée et angles intimistes pour les scènes de crises, d’évasions et de violence, panoramiques et travellings fixes pour nourrir l’ambiance psychiatrique, l’isolement et la solitude, ainsi qu’une colorimétrie contrastée entre la froideur intérieure et la relative chaleur extérieure.
Ce dernier point constitue d’ailleurs la clef de voûte du film de Celestini, à savoir : le jeu sur la plastique de l’espace.
L’enfermement est-il une question de murs ? Si l’on s’en tient au sens premier, la claustration physique est la définition meme d’enfermement. Mais ici, Ascanio Celestini va plus loin et redéfinit le sujet autour de deux espaces : l’asile et le supermarché, qui chacun, à leur manière, sont deja porteurs d’aliénation. Dans le premier l’inactivité, le désœuvrement, et la solitude placent les corps des patients en état léthargique permanent alors que dans le deuxième l’individualisme, la réclusion, et l’absence de contact placent l’esprit du heros en état de frustration et déshumanisation.
Une misère humaine qui relève donc bien plus d’un desengagement affectif de l’entourage, du personnel, et de la société que du lieu.
A cela s’ajoute un environement de l’horreur fait de régimes électrochocs, d’humiliations, et d’insalubrités (un des personnages reste dans ses excrements sans assitance de l’infirmière "parce-que c’est plus simple"). Une réalité scandaleuse "des asiles de fous" italiens avant l’entérinement de la loi Basaglia en 1978, loi qui "restitue le droit de citoyenneté et impose une approche nouvelle dans le traitement du malaise mental".
Au final, Le pecora nera est une plongée visuelle et sensorielle percutante, dans la peau, l’esprit et le délire d’un fou pas si insensé que ça. A découvrir impérativement.
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