Le 1er mars 2024
Le film flirte entre autofiction familiale et témoignage poignant du Maroc sous le règne d’Hassan II. Une œuvre aussi attendrissante que puissante dans l’évocation de l’absolutisme monarchique.
- Réalisateur : Asmae El Moudir
- Genre : Documentaire, Historique, Drame historique, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Marocain, Égyptien, Qatarien, Saoudien
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Kadib Abyad
- Date de sortie : 28 février 2024
- Festival : Festival de Cannes 2023
L'a vu
Veut le voir
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, Un Certain Regard
– Cannes 2023 : Prix de la mise en scène Un Certain Regard, Œil d’or
Résumé : Asmae, jeune réalisatrice marocaine, se rend chez ses parents à Casablanca pour les aider à déménager. Une fois dans la maison de son enfance, elle commence à trier ses vieilles affaires. Soudain, Asmae tombe sur une photo : des enfants qui sourient dans la cour d’une école maternelle. Presque hors cadre se trouve une petite fille assise sur un banc, qui regarde timidement l’appareil-photo. Cette photo est l’unique image de son enfance, l’unique souvenir que sa mère a pu lui transmettre. Mais Asmae est convaincue qu’elle n’est pas l’enfant sur cette image. Dans le but de faire parler ses parents, Asmae introduit sa caméra et joue avec cet incident intime pour évoquer d’autres souvenirs auxquels elle ne croit pas non plus. Cette photo devient le point de départ d’une investigation durant laquelle la réalisatrice interroge tous les petits mensonges que lui a dit sa famille. Petit à petit, Asmae explore la mémoire de son quartier et de son pays.
Critique : On aurait presque oublié les exactions auxquelles se sont ingéniées les milices au service du roi Hassan II. Pourtant la grand-mère de la famille voue un culte suspect au roi disparu, en conservant chez elle une photographie. Contre toute attente, elle a écarté du domicile familial toute autre photographie, obligeant les membres de la famille à bâtir des maisons de poupées pour perpétuer le souvenir de leurs existences. Asmae El Moundir est la réalisatrice et l’actrice de ce long-métrage touchant. Elle revient au domicile de ses parents après avoir terminé une école de cinéma. Elle s’engage ainsi dans une sorte d’autofiction, voire un reportage, où elle réinvente l’histoire de ses parents à travers la représentation en maquettes du quartier et de ses habitants.
- Copyright Insight Films
On la voit rarement de face. Asmae refuse de monopoliser l’écran. Elle sert en médiatrice, de passeuse entre les spectateurs et sa famille. La grand-mère acariâtre, sévère, occupe la première place dans ce récit où petit à petit les membres de la famille révèlent les secrets qui ont terni leur passé. Ainsi, la grande Histoire s’invite au cœur d’une intimité familiale. La caméra, le montage refusent l’inquisition ou le voyeurisme. Les personnes se révèlent doucement, au gré de leurs mots parfois rares, de leurs activité manuelles et de leurs colères. La réalisatrice assume un parti pris minimaliste et très esthétisant. Les images et la lumière sont soignées, comme des invitations à parfaire le monde où les personnages familiaux évoluent depuis des années dans le non-dit. Asmae El Moudir fabrique un vrai film de cinéma, une œuvre pour être regardée sur un grand écran. Elle refuse le misérabilisme. L’enjeu est de transcender le quotidien humble des gens de sa famille pour créer une œuvre d’art.
- Copyright Insight Films
En même temps, la cinéaste ne ménage pas son spectateur. On est bien loin des images fleuries et attendrissantes du Maroc. Elle rappelle les heures sombres du régime d’Hassan II, les persécutions et les arrestations sommaires qui continuent de hanter le cœur des plus anciennes générations. On sait que depuis l’arrivée de Mohammed VI à la tête du pays, l’État s’est largement assagi. Mais la réalisatrice semble rappeler à demi-mot qu’il ne faut pas s’illusionner non plus trop. La mère de tous les mensonges incarne un récit autant personnel, intimiste que politique. Asmae El Moudi assume d’être filmée sans voile sur les cheveux, elle fait de sa liberté de parole et de sa caméra des armes démocratiques.
- Copyright Insight Films
Il ne faut donc pas s’attendre à un documentaire ordinaire à travers ce long-métrage. Asmae El Moudir réinvente des manières de filmer, de percer le mystère des personnages de sa famille. Elle brandit un film qui est un cri du cœur et un témoignage puissant d’amour.
- © Insight Films
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.