Les Palmes d’or
Le 12 mai 2004
Sincérité du cœur et hypocrisie sociale, le film d’Alan Bridges incarne le meilleur du cinéma anglais.
- Réalisateur : Alan Bridges
- Acteurs : Sarah Miles, Robert Shaw, Peter Egan, Caroline Mortimer, Elizabeth Sellars
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h40mn
- Titre original : The Hireling
- Date de sortie : 21 juin 1973
- Festival : Festival de Cannes 1973
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Résumé : Lady Franklin sort d’une dépression causée par la mort de son mari. Elle doit quitter l’institut psychiatrique et appréhende sa nouvelle vie. Une voiture est venue la chercher pour la ramener chez sa mère. La belle Rolls est conduite par Leadbetter, un chauffeur avec qui elle entame la discussion. La simplicité et le caractère prosaïque de l’homme la rassurent. Lui qui avait l’habitude de courber l’échine et de vivre sa condition de simple chauffeur avec zèle est très impressionné par l’attention que semble lui porter la lady. Les personnages vont, tout en se réfugiant sous le couvert des rapports entre maîtresse et serviteur, être amenés à se revoir et à partager leurs solitudes.
PALME D’OR, Cannes 1973
Critique : On pourrait qualifier le style d’Alan Bridges de sobre, mais ce serait passer sous silence la belle subtilité dont fait preuve le réalisateur, pour nous conter, en bon behaviouriste anglo-saxon, les tourments de l’âme humaine au moyen d’images mentales presque expressionnistes, et sa faculté à saisir par ses gros plans, dans le visage de ses personnages, l’expression qui trahit leurs paroles refoulées. Car le cinéaste ne se limite pas à brosser le portrait d’une société de classe hiérarchisée qui appartiendrait à un passé révolu. À ce tableau vient s’ajouter la description de la passion, de la rage et du désespoir d’un personnage qui se sent berné pour avoir un instant cru qu’il pouvait espérer se faire sa propre place, indépendamment de son statut social. La prestation de Robert Shaw est à ce titre proprement criante de vérité. Composant un personnage double : rustre, maladroit, mais enfiévré par les tourments de l’amour, il ne sait si la violence symbolique dont il est victime va se traduire, dans ses actes, de manière physique. Tout le film est tendu par cela : le personnage encaisse les coups et les petites humiliations en silence, sans savoir jusqu’où il pourra tenir... avant que n’éclate au sol la goutte qui débordera du vase et provoquera une violence qu’il imposera soit à l’autre, soit à lui-même. Théâtre où se combattent sincérité du cœur et hypocrisie sociale, le film d’Alan Bridges incarne le meilleur du cinéma anglais, préfigurant à la fois la veine mélodramatique historique d’un James Ivory et la lucidité du regard sociologue d’un Ken Loach.
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