Ligne Blanche à suivre
Le 31 août 2011
Un très beau premier film sur la froideur paralytique du cercle familial.
- Réalisateur : Olivier Torres
- Acteurs : Pascal Bongard, Julien Bouanich, Elliot Murphy
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 31 août 2011
- Plus d'informations : http://www.niz-lesite.com/
L'a vu
Veut le voir
–
– Durée : 1h20mn
Un très beau premier film sur la froideur paralytique du cercle familial.
L’argument : Jean, comédien de théâtre respecté, mène une vie dissolue. Séparé de la mère de son enfant,
il consacre l’essentiel de son temps à son travail, à l’alcool, et aux femmes. Sylvain en pleine adolescence, ressent le besoin de se rapprocher de son père. Sur un coup de tête, tous deux partent rejoindre un vieil ami de Jean, Bob l’américain, qui vit dans un ranch isolé. Dès lors, ils vont tenter de s’appréhender mutuellement, avec maladresse, hésitation et parfois même violence.
Notre avis : Première réalisation du français Olivier Torres, précédemment remarqué pour son travail sur Un peu de temps réel (prix SACD de la meilleure œuvre à Clermont-Ferrand) et La nuit sera longue (sélectionné à Locarno dans la section cinéaste du présent),
La ligne blanche se démarque dans la jeune production française. Verbeuse, théâtrale, empreinte de cinéphilie, l’oeuvre semble bien plus apparentée à la Nouvelle Vague qu’aux contemporains du cinéaste.
La ligne blanche c’est le récit sans l’énoncé, c’est le drame sans la tragédie, le conflit sans la résolution, la vie à l’état pur et dur. Une histoire d’hommes, entre un père et un fils, qui tente de percer le mur de toute une époque. Dix-huit ans d’absence et de silence, ça ne tombe pas en un jour. D’autant que Jean le père semble en être encore au même point que Sylvain, son fils adolescent. Ici, il faut saluer la brillante performance de Pascal Bongard, qui excelle dans le rôle de l’artiste égoïste, pervers et exécrable. Séducteur en mal d’admiration, il entraîne constamment son fils dans une compétition de charme dont les épreuves imposées demeurent plus que douteuses.
Car c’est bien cela le véritable sujet et propos d’Olivier Torres : le jeu. Issu d’une formation théâtrale et ancien élève d’Antoine Vitez (École Chaillot), le cinéaste a pris pour point de départ, la figure d’un cercle : « à l’intérieur on joue, à l’extérieur on ne joue plus »
La ligne blanche, c’est finalement la limite à ne pas franchir. Tel l’enfant frappé d’interdiction, la tentation du franchissement est grande pour l’acteur comme pour le personnage de Jean. En décalage d’avec le réel, l’homme se voit ramener à la réalité par l’irruption de son fils. L’acceptation sera difficille et les rejets nombreux, mais pas à pas, jour après jour, la nouvelle génération gagne du terrain, jusqu’a l’emménagement. Une colocation épique, plus proche du camping. Et dans cette phase de transition, ce n’est pas un homme mais deux qui apprennent à grandir. Dans cette errance maladroite de corps toujours entre deux mondes, défile une image bleue faite de paysages froids (vide et nu de l’appartement parisien) et de lignes coupantes (gouffres et arrêtes des Alpilles Provençales). A l’écran, notre héros impassible et seul.
Dans le film de Olivier Tores, rares sont les scènes de réunion qui durent. Que ce soit avec son fils, son ex-femme ou son ami, Jean finit toujours par éclater et déborder de la ligne blanche, éjectant tout corps étranger dans les retranchements de l’espace. Un cadre solitaire donc, taillé sur mesure pour ce héros aux allures de « lonesome cowboy » et aux faux-airs de Matthieu Almaric. Car au pays de La ligne blanche, la cinéphilie est reine. Du Western à la Howard Hawks, avec la reprise à l’identique de Rio Bravo et de son duel en pleine rivière, à la guitare au coin du feu et refrain américain qui ne sont pas sans rappeler la rencontre d’avec les tziganes des Cowboys Angels de Kim Masee, jusqu’a la construction du héros antipathique, comédien et père à la dérive, miroir même de Johny Marco dans Somewhere, Olivier Torres rend ici un premier ciné-hommage.
Dans La ligne blanche, l’irresponsabilité parentale donne même lieu à d’innombrables produits en croix. Les figures de pères s’y déplacent (de Jean père biologique à Bob père spirituel jusqu’a François beau père) quant celle de la mère reste indivisible. Absente la majeure partie du film, son image marque le cadre de sa chaleur lors de ses quelques apparitions, renforçant l’impression de gèle dans la température ambiante du récit. Mais comment se construire quand le modèle est détruit ?
Sylvain, jeune homme, pas encore homme, n’a pour repères que les faux pas à ne pas reproduire, ceux d’un père immature qui se cherche sans se trouver. Un couple de personnages doublement « border-line » donc, dont les mouvements brusques risquent à tout moment de déséquilibrer l’ensemble. Cette brusquerie filmée en ombres et plans serrés par Caroline Champetier Des hommes et des dieux, offre à l’ensemble un mystère d’une justesse éclatante et inquiétante. Hanté par une violence latente, l’image reste en suspens et en suspence jusqu’à la prochaine crue de testostérone. Sur fond de far-west provençal, Elliot Murphy, musicien émérite et comédien pour l’occasion (Bob l’américain) plaque sur l’image ses accords folks et sa voie accidentée, offrant à ce premier long-métrage une bande originale proche de la perfection.
De ces regards à distance, de ses courses poursuites à cheval, de ses reproches maladroits et excuses informulées, l’on retiendra une image : celle d’une fin en demi-teinte, ni heureuse ni malheureuse, mais apaisée, comme si l’orage était passée.
La ligne Blanche, loin des clichés, frappe par son authenticité rugueuse, celle d’une relation filiale plus faite de conflits, de provocations, et de mises à l’épreuve que d’amour et de confiance. Un film dans la droite lignée d’un Arnaud Depleschin, peut-être un peu longuet dans le rythme et théâtral dans les dialogues, mais rigoureux et touchant.
Du cinéma français pur jus. Un grand cru assurément.
La ligne blanche Bande-annonce par toutlecine
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.