La Face cachée de la lune - la critique du film

Notre avis : Ce long métrage de Stephan Rick est une bonne surprise, y compris pour ceux qui n’ont pas lu La Face cachée de la lune, roman policier à succès de Martin Suter, et qui spéculent sur la charge mystérieuse d’un tel titre : celui-ci, tellement stimulant, a déjà utilisé à d’autres fins (notamment pour un film québécois et une pièce de théâtre de Robert Lepage, ainsi que Transformer 3). Atteindre la face cachée de la Lune, la contempler, la redouter : est-ce une vraie fausse piste, bien plus esthétisante que scénaristique, un mythe objectif scientifique, ou un repère (repaire) fantasmé ? Ce thriller est dense et haletant, d’un formalisme moderne qui s’inscrit dans une lignée plutôt nord-américaine et urbaine. Ici, l’argent est roi, et révèle le pouvoir des dirigeants de multinationales et de leurs meilleurs agents, traders ou avocats d’affaires. Le film est porté de bout en bout par un acteur étonnant, Moritz Bleibtreu, dans le rôle d’Urs Blank, qui ira affronter la Lune, mais aussi et surtout le Loup. Ce dernier est campé par un « acteur » à la beauté du diable magnifiée frontalement par la caméra. L’omniprésence du Loup est symbolique, et ses rares surgissements physiques aussi imprévisibles que brutaux (le grain de l’image est alors sidérant).

Fascinant de beauté pure et paradoxale car chargé de peur, guide secret et instinctif, ce Loup nous ferait très vite douter du titre car dans l’inconscient collectif Lune et Loup resteraient associés. Ne manquent plus que l’humain et les humains. Ils seront soumis à rude épreuve dans un kaléidoscope de lumières et de sonorités musicales tendues voire abruptes. Les derniers plans du film seront saisissants : en contre-plongée finale le cercle d’une immense et improbable lune blanche occupe presque tout l’écran : elle est seulement striée par le foisonnement des branchages d’un arbre, tandis qu’un personnage agonise dans la diagonale du plan qu’occupe tout son corps ; les couleurs rouge sang de sa blessure mortelle se fondent dans celles de la végétation ocre, jaune, marron et vert, qui constitue le linceul auquel finalement il aspirait confusément. Plaisir des sens et joie du cinéma se conjuguent dans plusieurs séquences où le montage traditionnel est rudement mis à l’épreuve avec quelques clins d’œil aux jeux vidéo. Traitement plastique et composition musicale sont dignes des lignées hollywoodiennes les plus accomplies, sans la débauche ostensible de moyens. On regrettera juste un happy end invraisemblable obéissant aux injonctions d’une morale normative.