Prince des ténèbres
Le 21 novembre 2017
Pour ses débuts, Santiago Esteves filme la relation étrange, presque sadique, d’un ado et d’un vieil homme piégés entre ressentiment et filiation. Tragédie saisissante par son réalisme social, plus fragile lorsqu’elle s’en remet au polar traditionnel.
- Réalisateur : Santiago Esteves
- Acteurs : Germán De Silva, Matías Encinas, Walter Jakob
- Genre : Drame
- Nationalité : Argentin
- Distributeur : Urban Distribution
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 22 novembre 2017
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Résumé : Le jeune Reynaldo participe à un cambriolage qui tourne mal. En tentant de s’enfuir, il tombe dans le jardin d’un vieux couple. Contre toute attente, le propriétaire ne le dénonce pas à la police mais lui propose un marché. Une relation de confiance fragile s’installe alors entre le jeune homme et son protecteur.
- Copyright Wanda Visión
Dans la banlieue de Mendoza en Argentine, une lumière ocre et oblique enserre les êtres et les choses. De l’horizon, placé méticuleusement hors-champ, la caméra trahit tout juste la lueur, trop occupée à entraver toute perspective et à supprimer la distance en multipliant les gros plans. Le destin de Reynaldo, adolescent chassé par sa mère et que l’on découvre d’entrée en plan serré isolé dans un bus scolaire, est à cette image : souillé par la fatalité. Seul derrière un grillage en marge d’un terrain de sport sur lequel jouent des jeunes, "Rey" contemple en silence une innocence qui n’est déjà plus la sienne. Les motifs de grille de prison se dessinant sur lui en surimpression éclairent quant au choix de l’Argentin Santiago Esteves d’articuler son premier long-métrage comme un film noir, sinon un drame de l’adolescence. Et pour cause : la trajectoire de son personnage central arbore très vite cette logique. Pour trouver un endroit où dormir à l’écart du domicile familial, Reynaldo accepte de commettre un vol qu’Esteves filme littéralement comme un trou noir. Dès cet instant, l’adulescent s’empêtre malgré lui dans les files d’une toile inextricable. Au cours d’une cavale, sa rencontre fortuite avec Carlos, un ex-transporteur de fonds, va néanmoins laisser planer la possibilité d’une rédemption. Car les deux protagonistes vont trouver chacun en l’autre un soutien : pour l’un une protection, pour l’autre un moyen d’exorciser l’inertie du temps. Entre l’enfant perdu et le vieil homme, s’amorce ainsi une complicité teintée de filiation. Une éducation toutefois insolite et bien éloignée de l’imaginaire chrétien ou d’une quelconque bienséance puisque se joue davantage une forme de transmission guerrière et virile héritée du western (usage des armes à feu dans des paysages arides, etc.). Après tout, "Rey" signifie "roi" et l’idée s’avère inconsciemment pour Carlos de donner à Reynaldo les moyens de ne pas sombrer dans les méandres d’un cadre social où les malfrats se dissimulent trop souvent sous les oripeaux des forces de l’ordre.
- Copyright Wanda Visión
Si La Educacion del Rey, par ses quelques maladresses d’écriture et autres petits ressorts bricolés ça et là (la clé de la commode, le paquet de cigarettes, un manichéisme bon enfant avec ses gentils et ses truands, etc.), échoue au départ à installer autre chose qu’une funeste atmosphère, la prévisibilité de son intrigue s’estompe au profit de sa subtile radiographie sociale. Car plus qu’une histoire de descente aux enfers, d’apprentissage ou de résilience, le film dresse le portrait d’une Argentine fracturée. En soi, le sort malheureux de Reynaldo ne fait qu’éclairer une pratique bien réelle : l’enrôlement de jeunes par des membres de la police en vue d’accomplir des vols et autres actes répréhensibles. S’enchâssent sous le regard du cinéaste des velléités de réalisme social mais également de cinéma de genre : le western ou encore le polar. Où l’expiation des protagonistes passe par la progressive reconstruction de la serre de l’épouse de Carlos, initialement brisée par Reynaldo lors de sa fuite. Bien que l’interprète du jeune délinquant, Matías Encinas, fasse par moment preuve d’une belle intensité, l’on retient surtout son sensible père de substitution, le comédien Germán De Silva. À défaut de faire une entrée fracassante avec La Educacion del Rey, le réalisateur Santiago Esteves - à suivre - fait montre d’une belle polyvalence, lui qui avait participé au montage du film Elefante Blanco, de Pablo Trapero, et dont on retrouve ici le rythme des plans. Dommage cependant que le jeune metteur en scène ne retrouve pas la profondeur des récits foisonnants de son compatriote.
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