Le 6 mai 2024
Nécessaire et profond, en dépit d’un budget bien loin des productions de film en France, le troisième long-métrage de Nora Hamdi est un coup de poing salutaire dans le cœur de tous ces jeunes en peine de définition identitaire et sociale.
- Réalisateur : Nora Hamdi
- Acteurs : Christelle Dominguez, Oussem Kadri, Kenza Moumou, Marin Fabre, Mohammed Benazza, Baya Rehaz
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : B&Films Production
- Durée : 1h26mn
- Date de sortie : 8 mai 2024
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Résumé : Pour se loger à Paris, la jeune peintre Yasmine doit changer d’identité. Ce choc la renvoie à la vie cachée de ses parents, morts à sa naissance, quand l’Algérie a été victime du terrorisme. En quête de son histoire, à travers sa vie d’artiste, Yasmine va trouver la lumière en découvrant le secret qu’elle porte …
Critique : On sait théoriquement la brutalité de la discrimination dans l’accès au logement et au travail, a fortiori dans la ville de Paris. Sauf que Nora Hamdi la déploie dans son nouveau long-métrage avec une sincérité véritable, et là, ce qui peut dans la tête de nombreux spectateurs relever d’une vague question sociétale devient alors une réalité incontestable. Les couleurs dans les mains raconte la construction identitaire difficile d’une jeune artiste, qui doit renoncer à son nom de famille, d’origine algérienne, pour accéder à un studio en plein cœur de la capitale. Remplacer son nom de famille par un titre francisé n’est surtout pas une simple procédure administrative. Yasmine renonce à son histoire, à la disparition tragique de ses parents pour se draper dans une ombre qui n’est pas la sienne. Les conséquences de cette aliénation identitaire ne sont pas que psychologiques, la jeune femme s’enfonce dans des problèmes respiratoires, s’isole et surtout, se met à peindre des tableaux qui n’ont rien à voir avec son moi profond.
- Copyright B&films Production
La couleur dans les mains révèle une réalisatrice, passée assez inaperçue avec ses deux derniers films La maquisarde et Des poupées et des anges. La cinéaste, romancière de surcroît, s’engage dans un projet qui semble issu de son propre parcours. Nora Hamdi est aussi une artiste peintre, et révèle à travers le portrait sensible de cette jeune Yasmine le destin hélas banal de nombre de jeunes gens issus de l’immigration africaine ou maghrébine, rendus coupables dans l’inconscient collectif, des horreurs du terrorisme ou au contraire de la culpabilité du passé colonialiste de la France. Nora Hamdi refuse catégoriquement cette dérive de la pensée. Elle regarde la jeunesse, telle qu’elle est, avec ses espoirs, ses désillusions et ses irrésistibles volontés de faire advenir ses talents et trouver, dans leur pays, la reconnaissance qui leur est due.
La couleur dans les mains est une incontestable réussite grâce à l’interprétation merveilleuse de la comédienne principale, Kenza Moumou. Elle se moule dans le paysage intérieur de Nora Hamdi avec une grâce incontestable. On la voir peindre, se battre avec sa santé défaillante, et chercher à créer des relations qui vont lui permettre de sortir de la pauvreté et de l’isolement. Cette quête de réseaux n’est jamais vulgaire. Au contraire, la jeune femme refuse de se compromettre, à l’exception hélas de son nom qu’elle doit remplacer par une autre identité aux connotations francophones sur sa boîte à lettres. Mais tout le reste du combat s’efforce de demeurer digne, au prix parfois de sombrer dans la dépression ou la précarité extrême. En même temps, le film refuse le misérabilisme. La jeune femme illumine l’écran, dans des parures très belles qui font la part d’honneur à sa féminité et sa recherche de sa vérité intérieure.
- Copyright B&films Production
Bien sûr, le film souffre de quelques imperfections (notamment dans le son), sans doute du fait d’un budget de production insuffisant. Pour autant, l’écriture du scénario et la mise en scène dépassent sans mal les errances techniques. La couleur dans les mains apparaît abouti, très emprunt de l’implication personnelle de la réalisatrice dans ce portrait de femme. Elle rend un hommage profond ethonnête à ces milliers de jeunes et moins jeunes qui peinent à trouver la place à laquelle ils ont droit, du fait de l’origine de leurs parents ou grands-parents. Si la couleur dans les mains génère la grandeur des œuvres picturales, par antagonisme, elle peut se révéler stigmatisante et délétère.
La couleur dans les mains est tout l’inverse d’un film politique. C’est une œuvre sensible, intègre dans ses intentions, qui refuse tout prosélytisme idéologique au bénéfice d’une fiction profondément romanesque. Paris est formidablement filmée, et pour une fois la capitale est regardée à travers le filtre de ces populations humbles, et non tous ces bobos occupés de sentimentalité et déconnectés de la réalité. Nora Hamdi s’affirme au fur et à mesure de ses films comme une réalisatrice accomplie, mature, avec une vraie parole sur le monde.
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