Avec des images
Le 28 juillet 2004
Entre documentaire et fiction, le quotidien des townships pour un tableau tout en douceur d’une société ultra-violente.


- Réalisateur : Ntshavheni Wa Luruli
- Acteur : Jean-Pierre Cassel
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique, Français, Sud-africain

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– Durée : 1h33mn
– Ours de Cristal du Kinderfilmfest, Berlin 2004
Entre documentaire et fiction, le quotidien des townships pour un tableau tout en douceur d’une société ultra-violente.
L’argument : Deux enfants, Madiba et Sipho. Comme la plupart des coloured people d’Afrique du Sud, ils habitent un township. Là, ils trouvent le cadavre d’un homme. La routine. Ils lui font les poches, comme il se doit, et trouvent sur lui deux objets qui vont changer le cours de leur vie : pour l’un, ce sera une arme, un revolver rutilant et sa balle unique ; pour l’autre, une caméra qu’il s’approprie rapidement pour devenir un véritable petit cinéaste du ghetto. Leur rencontre avec la blanche Estelle, en révolte contre ses parents, va parfaire le tableau d’une Afrique du Sud en plein mouvement et recherche d’elle-même.
Notre avis : La caméra de bois, Ours de cristal du Kinderfilmfest de Berlin [1], offre la perception par un enfant d’une tranche de vie en Afrique du sud, à travers l’objectif de la caméra de Madiba. Pourquoi une caméra de bois ? Tout simplement parce qu’il a fallu dissimuler la caméra dernier cri trouvée sur son infortuné propriétaire dans un étui de bois, qui la protège plus des regards des envieux que des intempéries.
Pas question ici de description réaliste ou militante de la situation souvent dramatique d’un pays en pleine reconstruction. Estelle est en conflit avec ses parents, mais rien ne la distingue vraiment d’une quelconque adolescente européenne. Comme la plupart des Sud-Africains, elle ne connaît du township de ses nouveaux amis que les "toits qu’on voit de l’autoroute". Sipho, lui, mauvais mais pas méchant garçon, se lie avec une bande de vauriens, se drogue, vole et même tue, plutôt par maladresse. C’est un vantard, un gosse paumé lié par une indéfectible amitié à Madiba qui lui a un jour sauvé la vie et qui tente vainement de le remettre dans le droit chemin. Madiba, entre une mère éternellement en recherche d’emploi et un père qui navigue entre sénilité et alcoolisme, fait de sa réalité le décor d’une fiction prise au piège de caméra. Au final, un tableau tout en douceur d’une société ultra-violente.
Au fil de la caméra du petit Madiba, le réalisateur s’attarde sur les détails d’un décor qui semble figé. De gros plans de grillages déchiquetés, en travellings caméra à l’épaule, juché sur une brouette, l’enfant du ghetto filme le quotidien banal qu’il partage avec sa famille et ses amis, sorte de petit reporter du township. Quand il s’échappe pour rejoindre Estelle, c’est elle, alors, qu’il filme de tout son soûl, déclaration d’amour timide d’un gosse qui n’a que l’image comme moyen d’expression et de libération. Pour l’adolescente, la découverte du township, à la recherche de son jeune ami, ressemble à un parcours piégé, mais elle s’en tirera avec seulement quelques égratignures et des images grandguignolesques d’étals de viande rien moins que familiers.
Entre documentaire et fiction, comme un irréel conte pour enfants, La caméra de bois délivre un message d’espoir simple, presque pédagogique, à travers le prisme de la caméra d’un jeune cinéaste dont on imagine aisément la suite des aventures, une fois le générique déroulé, vers les sommets d’un art qui l’aura sauvé de la misère. Un jour il reviendra, et un vrai film maker il sera devenu.
[1] Mais aussi : Cheval de bronze du meilleur ffilm - Stockholm Junior, mars 2004 ; Prix Henri Alekan de la meilleure photo - Festival de Paris, mars 2004 ; Grand Prix - Montréal Vues d’Afrique - avril 2004