69, année érotique
Le 17 juillet 2009
Chef-d’œuvre en eaux troubles.


- Réalisateur : Yasuzo Masumura
- Genre : Drame, Épouvante-horreur
- Nationalité : Japonais

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– Durée : 1h24mn
– Titre original : Moju
Chef-d’œuvre en eaux troubles.
L’argument : Un sculpteur aveugle enlève et séquestre dans son atelier un modèle pour la soumettre à l’empire des sens afin qu’elle devienne une statue idéale. Comprenant après plusieurs vaines tentatives qu’elle ne pourra fuir ce cauchemar, la victime est peu à peu attendrie et envoûtée par son bourreau...
Notre avis : La bête aveugle, de Yasuzo Masumura, est un film si riche et novateur qu’il possède différents niveaux de lecture. On peut y voir ce qu’on veut : une fable amère et belle, une déclinaison d’Eros et Tanatos, une illustration du syndrome de Stockholm, une célébration du corps de la femme en même temps qu’une allégorie sur la castration. Il contient des images mémorables (les amants qui font l’amour sur la sculpture géante d’une femme nue) qui épousent une structure narrative très robuste. Le récit oscille entre l’horreur et l’érotisme et met en résonance le plaisir de soumission et le désir cru. En somme, la chair et le sang.
Comme dans La prisonnière (Henri Georges Clouzot, 68), film avant-gardiste avec lequel il entretient de troublants parallélismes, un modèle est séquestré par un artiste dans un but esthétique. Mais progressivement cette quête se mue en histoire d’amour SM sur fond de vampirisme où le désir et la mort sont des notions intrinsèquement liées. Les amants, loin des conventions sociales, s’aimeront jusqu’à la destruction. Le cinéaste plaque les codes du huis clos sur une passion perverse, ambiguë et manipulatrice. Nageant dans les eaux troubles du récit érotico-fantastique, autopsiant le charivari intérieur de deux corps qui se rejettent puis s’attirent dans un même élan vital, cette merveille de Yasuzo Masumura (La femme de Seisaku) date de 1969 et se révèle extrêmement moderne que ce soit dans la forme ou le propos. On n’a pas fini d’épuiser ses beautés.