Le serpent à plumes
Le 19 janvier 2011
Fascinant voyage à travers les mythologies dites primitives, ce film-poème longtemps oublié est une des rares oeuvres cinématographiques authentiquement surréalistes
- Réalisateurs : Michel Zimbacca - Jean-Louis Bédouin
- Genre : Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Choses vues
- Plus d'informations : http://www.choses-vues.com/blog/pro...
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– Durée : 25mn (L’invention du monde)
– Durée : 8 mn (Quetzalcoatl, le serpent emplumé)
Fascinant voyage à travers les mythologies dites primitives, ce film-poème longtemps oublié est une des rares oeuvres cinématographiques authentiquement surréalistes.
L’argument : L’homme se transforme et recréé ce qu’il choisit de représenter.
Chaque civilisation repose ainsi sur un ensemble de mythes et de symboles où s’expriment les désirs et les interrogations de l’esprit en même temps que s’y reflète l’image des nécessités naturelles. On a tenté de retrouver le fil perdu dans le labyrinthe de ces mythes et de ces symboles qui se superposent et s’enchaînent les uns aux autres depuis les temps les plus reculés, s’inscrivant dans la forme et la décoration des objets familiers comme dans les signes et les cérémonies magiques.
Notre avis : Si bon nombre de cinéastes revendiquent l’influence du Surréalisme, il y a au bout du compte assez peu de films directement issus du mouvement. On connait bien sur Un chien andalou et L’âge d’or de Buñuel et Dali ainsi que les films de Man Ray ou ceux des Surréalistes belges qui ont fait l’objet d’éditions en DVD. Mais cette Invention du monde, dont le texte est pourtant signé par Benjamin Péret, et qui reçut un accueil enthousiaste de la part des membres du groupe lors de sa présentation à la Cinémathèque en 1952, était un titre bien oublié.
Quant à Michel Zimbacca, qui le réalisa en association avec Jean-Louis Bédouin après avoir signé un premier court-métrage en 1947 (Square du Temple), il est plus connu comme peintre et écrivain que comme cinéaste.
C’est pourtant une oeuvre magnifique que cette ode à l’imagination humaine nous entraînant dans le labyrinthe de la pensée dite primitive et de ses mythologies qui interprètent le monde en le réinventant. Le caractère incantatoire du texte de Benjamin Péret, qui sait rester précis malgré le geste ample qui associe les cultures les plus diverses, de l’Afrique à l’Asie en passant par le Pacifique et les civilisations précolombiennes, est renforcé par la multiplicité des voix qui se relaient pour le déclamer. Lyrique sans grandiloquence il juxtapose et confronte les rites magiques et les récits mythiques, mettant en évidence leur cohérence et leur force poétique.
Des plans empruntés à des films ethnologiques sont associés à des objets filmés dans les musées ou les collections privées : masques, totems, objets de culte mais aussi la célèbre toile de Gauguin D’où venons-nous ? qui sommes-nous ? Où allons-nous ?. Le même principe d’association commande les choix musicaux recourant à des documents issus du département d’Ethnologie musicale du musée de l’Homme. Tous ces éléments se répondent sans être noyés dans un discours général qui les réduirait au rang de simples illustrations d’un propos préétabli mais gardent leur autonomie, la juxtaposition faisant au contraire ressortir leur originalité et leur beauté propre.
La partie tournée en Gevacolor qui évoque Le mythe de Quetzalcóatl, le serpent à plumes, dieu aztèque de la mort et de la renaissance, à travers les fascinantes illustrations du codex Borgia, a été extraite de l’ensemble pour former un court-métrage distinct. Sans doute, en effet, ce bloc admirable de huit minutes jurait-il avec la volonté de syncrétisme commandant l’ensemble.
Loin de sombrer dans un quelconque prêchi-prêcha mystique et nébuleux L’invention du monde, vibrant poème filmique, admiré par Jean Rouch, continue d’étonner par sa sa netteté tranchante et exprime un émerveillement attentif face au monde qui le rapproche des plus beaux documentaires scientifiques (ceux de Jean Painlevé par exemple).
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Le DVD
Ce premier volume d’une collection consacrée au cinéma surréaliste permet de redécouvrir ce film rare en le replaçant dans son contexte grâce à deux passionnants documentaires. Le DVD est disponible, depuis le 16 décembre 2010, chez l’éditeur et dans les magasins spécialisés.
Les suppléments
Un travail d’édition vraiment remarquable qui associe aux deux films de 1952 de précieux compléments de programme :
– Ni d’Ève ni d’Adam, une séquence de dix minutes, tournée pour la télévision en 1969, unique fragment tourné d’un vaste projet jamais réalisé. Un essai bizarre bien qu’un peu théorique. Le costume du surréaliste Jean Benoît en Nécrophile dans la scène du cimetière est étonnant.
– Dans un passionant documentaire de 47 minutes spécialement réalisé pour le DVD Bertrand Schmitt s’entretient avec Jean-Michel Arnold et Michel Zimbacca qui évoquent les circonstances de la réalisation de L’invention du monde et font revivre toute un pan de la vie intellectuelle parisienne de l’après-guerre autour de La figure tutélaire d’Henri Langlois et des mémorables séances de la Cinémathèque, Avenue de Messine.
- Filmé chez lui, sans doute en janvier 1960, André Breton répond aux questions de Judith Jasmin pour la télévision canadienne au cours d’un entretien de 27 minutes. Un document de première main donc mais un peu lisse, l’interlocutrice, très déférente, se contentant de tendre la perche au Grand Maître pour lui permettre de retracer dans ses grandes lignes l’aventure surréaliste et d’en rappeler les principes essentiels.
Image
La copie de L’invention du monde a été remarquablement restaurée. Certes toutes les griffures n’ont pas été effacées mais le noir et blanc franc et contrasté à la belle luminosité donne au film l’impact visuel indispensable à son propos.
On regrette par contre qu’il n’ai pas été possible de restaurer le Gevacolor du mythe de Quetzalcoatl, dont l’image est par ailleurs tout à fait correcte.
Son
Un son mono tout à fait correct qui donne aux voix et aux nombreuses musiques ethniques la présence sonore requise.
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