L’homme silencieux - Nyima Cartier - critique du court métrage

Critique : Des vies minuscules saisies depuis les tours de la Défense.
Ce sont celles auxquelles l’œil s’habitue, lorsqu’il voit des gens fumer à la pause ou se précipiter pour aller au travail. Mais lorsqu’il s’agit de la présence d’un employé qu’on a flanqué à la porte, tandis que ses collègues oublient, après avoir raconté les faits comme une anecdote, le regard de Pierre s’attarde sur ce reprouvé, encore en costume de travail. Relégué dans un hors champ qui l’anonymise et l’universalise tout à la fois, le personnage devient nos yeux, par le biais d’un point de vue subjectif.
La caméra de Nyima Cartier ne lâche plus son sujet, incarné dans un corps et fait de nous des témoins. La litanie d’une exclusion sans fin se circonscrit à un périmètre dont l’homme ne sort pas, où marchent d’autres travailleurs qui ne le regardent pas.
Il faudrait que Pierre le rejoigne au milieu de ces couleurs froides qui figent la violence sociale dans un cadre chromatique adapté. Mais le témoin tergiverse, pris au piège de sa propre pusillanimité.
Ce court métrage efficace parvient à documenter, sur un mode symbolique, une déchéance économique et sociale reproductible en des milliers d’exemplaires.