Le 16 avril 2024
Plus que mille visages, Sonia Kronlund offre une odyssée passionnante et jouissive dans la mécanique monstrueuse d’un homme qui se définit dans le mensonge.
- Réalisateur : Sonia Kronlund
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 17 avril 2024
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Résumé : Il s’appelle Alexandre, Ricardo ou Daniel. Il se dit chirurgien ou ingénieur, argentin ou brésilien. Il vit avec quatre femmes en même temps, adaptant à chacune son récit et même ses traits de caractère. Enquête à la première personne, avec l’aide d’un détective privé, sur un imposteur aux mille vies imaginaires.
Critique : Sonia Kronlund est connue pour ses émissions quotidiennes sur France Culture où elle va à la rencontre des identités multiples qui composent notre monde. Sa voix, son regard, identifiables plus que d’autres, s’effacent derrière l’appareil radiophonique au bénéfice de témoins toujours touchants et passionnants, au point que chacune de leurs histoires pourrait faire l’objet d’un film de cinéma. Sauf qu’à l’origine de ce projet de documentaire, la journaliste assume qu’elle-même n’a jamais aimé que des hommes menteurs, à commencer par son premier amour qui l’a conduite à Londres. L’homme aux mille visages est le récit composite d’un courtisan quasi professionnel qui s’invente des existences innombrables, dès lors qu’il peut emporter dans son délire le destin fragile de jeunes femmes. Toutes racontent leur amour pour lui, puis le doute et la découverte du poteau rose, sans pour autant parvenir à se défaire du souvenir de leur relation et surtout à lui faire avouer ses mensonges.
Le documentaire ne cherche pas à décrire le mécanisme psychologique de ce qui pourrait être une forme de mythomanie. Sonia Kronlund se met en scène aux côtés des victimes, comme si elle devait à son tour résoudre un passé qui a été le sien où elle a été trompée par un homme aux identités incertaines. Il y a presque chez la réalisatrice une certaine jouissance à dérouler l’ignominie et à mettre en scène le piège sur un homme qui ment aux autres mais surtout à lui-même. En ce sens, ce Ricardo se transforme en une sorte de monstre aux mille visages, qui trompe l’ennui et le désespoir d’être soi avec des récits empruntés à son vaste imaginaire. La journaliste offre aux femmes qu’elle rencontre un espace de réparation afin qu’elles puissent continuer à vivre, voire espérer un jour reconstruire une relation avec un homme qui ne soit pas le double macabre d’un autre. On pense au destin romanesque de Jean-Claude Romand, mis en scène dans L’adversaire, un livre d’Emmanuel Carrère adapté au cinéma par Nicole Garcia
- Copyright Pyramide Distribution
L’homme aux mille visages n’est absolument pas un documentaire plombant ou larmoyant. Il y a même une certaine joie à décrire et à mettre à nu le mensonge pathologique de cet homme. Les victimes ont pris pour la plupart du recul et racontent la tromperie avec la précision et la rigueur d’un entomologiste. Elles ne cherchent pas à se venger, mais à démontrer que le mensonge n’a de prise que si elles-mêmes en acceptent le principe, au seul motif de l’amour. Régulièrement, la caméra de Sonia Kronlund montre des couples prendre le soleil dans des parcs parisiens, générant immédiatement dans la tête du spectateur le sentiment que ces photographies pourraient aussi s’établir sur une série de mensonges, plus vrais que la vie réelle.
Le film très écrit est construit en trois parties qui tentent peu à peu de faire émerger la vérité identitaire de l’homme. Il est d’abord montré dans des photographies où son visage est brouillé pour éviter le scandale ou l’affront juridique. Puis son visage se révèle, grâce à l’intervention pertinente d’une juriste qui démontre que toute son existence repose sur la diffusion d’images de vies qui ne sont pas les siennes, mais celles sorties de son cerveau malade. Et enfin, la dernière partie met en scène l’enquête que Sonia et son équipe conduisent pour retrouver ce fameux Ricardo. L’homme aux mille visages est un film passionnant et brillant. La réalisatrice sait, à force d’interviews, capter les mots véritables, la sincérité des regards, tout en accompagnant le récit de celles et ceux qu’elle filme, de sa propre voix, comme un écho universel à toutes ces personnes, finalement nombreuses, qui ont vécu à l’ombre du mensonge d’un proche ou d’eux-mêmes.
- Copyright Pyramide Distribution
Les documentaires affluent de plus en plus sur les écrans français. Le nom de Sonia Kronlund vient s’ajouter aux grandes figures de ce genre comme Claire Simon, Nicolas Philibert, Sébastien Lifshitz et tous les autres qui démontrent, film après film, que le réel n’est pas toujours si vrai.
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