Le 4 juillet 2022
Une fresque brillante et passionnée sur les ravages de la jalousie et la solitude au sein du couple. Ildikó Enyedi réussit un tour de force dans cette œuvre dense et profonde.
- Réalisateur : Ildikó Enyedi
- Acteurs : Romane Bohringer, Louis Garrel, Jasmine Trinca, Sergio Rubini, Josef Hader, Ulrich Matthes, Léa Seydoux, Sandor Funtek, Gijs Naber, Luna Wedler
- Genre : Romance, Drame historique
- Nationalité : Français, Allemand, Italien, Hongrois
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Editeur vidéo : Pyramide Video
- Durée : 2h49mn
- Date télé : 23 septembre 2024 22:25
- Chaîne : Arte
- Titre original : The Story of My Wife
- Date de sortie : 16 mars 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Jacob est capitaine au long cours. Un jour, il fait un pari avec un ami dans un café : il épousera la première femme qui en franchira le seuil. C’est alors qu’entre Lizzy...
Critique : C’est à cause d’un mal de ventre anodin que le capitaine Jacob fait le pari d’épouser la première femme qui traversera la porte du café où il prend un verre avec un ami, pour le moins mafieux. Si une dame pas des plus élégantes s’apprête à traverser la porte, c’est finalement la très jolie Lizzy qui pénètre la brasserie, sans doute pour le meilleur ou le pire. Grâce à la magie du cinéma, la jeune femme accepte sur le champ de devenir l’amante puis l’épouse du capitaine. Construit sur sept chapitres aux titres parfois énigmatiques, le long-métrage de plus de deux heures et demie s’engage avec passion dans l’intimité d’un couple, aux prises avec le métier de marin de Jacob, parti sur les mers la plupart du temps et avec l’ambiguïté sensuelle de Lizzy.
- Copyright Pyramide Films
L’histoire de ma femme est issu d’un roman. Le long-métrage est élaboré comme une véritable œuvre littéraire. Le scénario s’attache à des dialogues très bien écrits qui prennent le temps de décrire les deux héros enfermés dans leurs propres logiques et en incapacité de se rassurer l’un l’autre. Il y a dans la façon d’appréhender l’univers de ces deux êtres qui s’aiment, autant qu’ils mettent à l’épreuve l’intensité de leur union, quelque chose qui rappelle les grands romans du dix-neuvième siècle. La longueur du film laisse le temps de mettre en lumière la complexité des deux personnages, sans jamais succomber à la caricature ou au maniérisme. Toutefois, Ildikó Enyedi refuse la surenchère romantique en choisissant une mise en scène dépouillée, quasi entomologique, où elle découpe au scalpel psychologique les mystères de la personnalité de ces deux amoureux.
- Gijs Naber et Léa Seydoux dans "L’histoire de ma femme"
- © 2021 Pyramide Distribution. Tous droits réservés.
La musique, souvent très belle, l’usage du travelling, le travail sur les prises de vue donnent au récit une étoffe particulièrement sensible et dense. La réalisatrice met en scène son film à la façon d’un ouvrage. Les décors, les paysages marins, les costumes témoignent d’un travail particulièrement minutieux dans la réalisation. Ildikó Enyedi entend ne jamais céder à la vulgarité. L’enfer de la jalousie que vit Jacob, tout en ne se privant pas de relations adultérines, s’affronte avec le désir de liberté de Lizzy qui doit accepter sa condition de femme de marin, contrainte par de longs mois de séparation. Léa Seydoux irradie proprement l’écran. Elle incarne une héroïne d’une très grande épaisseur narrative dont on ne parvient jamais à savoir si elle contribue à la situation de jalousie de son mari, si elle est victime du déterminisme social qui pèse sur les femmes au début du vingtième siècle, ou si elle annonce, pour les décennies à venir, le combat en faveur d’une reconnaissance des droits des femmes. Elle est admirablement filmée, ce qui rajoute au mystère incandescent de cette héroïne. Elle s’oppose au jeu de Gijs Naber qui est tout autant stupéfiant de sincérité et de puissance narrative. On voit l’homme sombre tenter en permanence de trouver un sens à son existence, hantée par la crainte de la solitude et de la mort.
- Copyright Pyramide Films
Les presque trois heures de film peuvent d’emblée rebuter le spectateur. En réalité, grâce à cette architecture narrative bâtie sur sept chapitres de longueur équilibrée, on se laisse emporter par le souffle romanesque du film. Le spectateur est littéralement plongé dans l’univers des Années folles qui a suivi la Première Guerre mondiale, où l’on mesure l’esprit de liberté et de joie qui régnait sur les villes. L’histoire de ma femme est peut-être l’une des œuvres les plus abouties et importantes présentées à Cannes, cette année.
Laurent Cambon
Le test Blu-ray
Image :
Le menu est d’emblée un régal pictural en soi. Ce long-métrage est aussi magnifique en intérieur qu’en extérieur. Les jeux de lumière sont toujours appropriés.
Son :
C’est le classique qui prévaut mais les Années folles ne sont pas oubliées. La bande-son est d’une pureté presque cristalline. Le tout se savoure sans modération.
Bonus :
Trois bonus nous sont offerts et les deux premiers surtout méritent que nous nous y attardions :
Entretien avec Ildikó Enyedi : Il nous éclaire un peu plus les intentions et les parti pris esthétiques de la réalisatrice hongroise. "Ce film est l’éducation sentimentale d’un homme de quarante-cinq ans et il a pour enseignante sa femme" nous confie Ildiko Enyedi. Il y est question de la liberté, cette liberté inhérente à Lizzy que Jakob va essayer de comprendre et adopter. Ildikó Enyedi nous dit aussi à propos des deux protagonistes : "ils ne questionnent pas leur époque, ils vivent dans leur époque." Le film est, rappelons-le, une adaptation pour le cinéma qui se décline en sept chapitres résonnant chez Jakob comme si une leçon de Lizzy en appelait tout de suite une autre. Il y est question aussi du monde minimaliste du capitaine et des deux appartements que le couple occupe à Paris et à Hambourg.
Making-of : Des témoignages croisés de Gijs Naber, Léa Seydoux, Ildiko Enyedi, et d’autres membres du staff ou du casting du film portent sur des sujets comme le plaisir de collaborer ensemble, leur personnage propre, et la séduction opérée par le script. Ildikó Enyedi défend pourquoi elle a préféré tourner son film à Hambourg et non à Londres. Cinquante-six jours de tournage ont été nécessaires dans les deux appartements du couple avec chaque fois la découverte de nouveaux détails. L’élégance naturelle était un souhait affirmé de la réalisatrice (Jakob porte ainsi presque tout le temps son uniforme de capitaine). La réalisatrice Ildikó Enyedi a sa part de louanges justement méritées. Le couple formé par Léa Seydoux et Gijs Naber pour la caméra est une satisfaction amplement réciproque.
Bandes-annonces
Éric Françonnet
– Sortie Blu-ray et DVD : 5 juillet 2022
Galerie Photos
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