Le 2 mars 2025
Ce kaléidoscope d’images, de références artistiques et d’auteurs rend hommage, avec une grande virtuosité, à la puissance de l’œuvre de Velázquez. Un documentaire qui échappe aux poncifs du film pédagogique.


- Réalisateur : Stéphane Sorlat
- Acteur : Vincent Lindon
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 26 février 2025

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Diego Velázquez, peintre des rois et des humbles, maître du hors-champ et des mises en abyme, se trouve au cœur d’un voyage cinématographique défiant les conventions...
Critique : Quoi de plus cinématographique que de commencer un documentaire sur un immense peintre espagnol du XVIe siècle par un extrait de Pierrot le fou où Belmondo lit à une petite fille une page sur l’histoire de l’art. D’emblée, Stéphane Sorlat exhorte le spectateur à considérer l’œuvre picturale de Velázquez non comme le témoignage atemporel d’une époque, mais une Odyssée dans la matière de l’art jusqu’à aujourd’hui. En effet, marqué par la voix très enveloppante de Vincent Lindon, le documentaire refuse de s’engager dans un ennuyeux descriptif de ses œuvres, sous couvert d’une biographie exhaustive. En réalité, le spectateur ne saura pas grand-chose de l’existence du peintre. Par contre, et c’est là l’intérêt majeur de ce film, il aura appris à regarder un tableau de Velázquez.
Le titre L’Énigme Velázquez n’est peut-être pas le meilleur qu’il soit. En effet, le réalisateur soulève, à travers le témoignage d’artistes contemporains ou de spécialistes dans l’art, les mille et une façons d’appréhender les toiles du maître baroque espagnol qui racontent le quotidien d’un peuple, à travers ses costumes, ses estropiés et ses puissants. On se rend compte à quel point cette œuvre continue d’influer sur la création contemporaine, et n’a jamais cessé de colorer le regard d’immenses peintres comme Goya, Dali, Bacon, Picasso, Sorolla, Manet ou très récemment Julian Schnabel. Le documentaire qui se veut moins didactique que cinématographique se plaît à couler le long des toiles, à la recherche du détail qui donne à l’œuvre la grandeur qui lui est due et continue à habiter les créations de ses contemporains.
- Copyright Bodéga Films
L’Énigme Velázquez clôt la trilogie du Prado avec peut-être le plus grand des peintres de l’histoire de l’art : Velázquez. Stéphane Sorlat a produit les deux autres épisodes consacrés à Goya et à Bosch. Les trois maîtres de la peinture, d’époques très différentes, se font face dans un dialogue où l’éternité s’écrit sur une toile. À plusieurs reprises, le documentariste fait référence à l’œuvre quasi érotique de Caravaggio, faisant presque mystère sur la propre sexualité de Velázquez. Là ne semble pas l’essentiel. Stéphane Sorlat raconte le périple artistique d’un peintre de génie qui a su réinventer les couleurs, les hors-champs, et a témoigné d’une histoire de l’humanité dont on retrouve aujourd’hui, traits pour traits, les figures de la sociologie contemporaine.
L’Énigme Velázquez demeure un film très intéressant, davantage ce qu’il raconte que dans le formalisme employé. En effet, le réalisateur ne recherche pas l’intellectualisme à tout prix. Il convoque les émotions de son spectateur, dans ce labyrinthe parfois confus de beauté et mystères. On est loin d’un reportage aux vertus scolaires pour l’écran de télévision. Il s’agit bien d’un film de cinéma qui exploite le grand écran pour ce qu’il révèle de majestueux dans le geste pictural de Velázquez. En ce sens, L’Énigme Velázquez est un film fascinant, émerveillant, dont on reste habité quelques heures encore après l’avoir vu.