L’avare - la critique + le test DVD

Mise en scène somptueuse et comédiens époustouflants pour cette oeuvre intemporelle

L’argument : Il est malheureux d’avoir pour père "l’humain le moins humain" : un homme tyrannique qui veut marier sa fille avec un vieux et riche veuf, réjoui que le prétendant l’accepte sans dot. Elise le sait bien, elle qui aime secrètement le jeune et séduisant Valère et ne trouve aucun charme à Anselme. Il est tout aussi révoltant pour un fils de voir son père projeter d’épouser en secondes noces, car on la lui assure peu dépensière, une jeune femme sur qui, précisément, on a jeté son dévolu sincère. Cléante ne l’ignore pas, lui qui est épris de la belle Mariane. Bref, c’est un calvaire d’avoir pour père Harpagon.

Notre avis : On le dira sans étonner personne : L’Avare continue d’amuser, d’émouvoir, d’inquiéter notre monde. La résonance est d’autant plus frappante qu’en 2009, celui-ci plonge dans la crise. Tout l’intérêt de cette mise en scène de Catherine Hiegel est d’en témoigner. Elle invite à relire la pièce comme le portrait troublant d’un homme paranoïaque, que sa démente avarice rend aveugle sur ses responsabilités (de père, mais aussi de maître de maison). Le jeu des éclairages et des costumes fait peser sur ce drame une inquiétude latente. Notre avare est ici bien plus qu’un simple barbon de comédie : c’est un spéculateur malhonnête, qui se régale de ses propres vices, qui n’hésite même pas à souhaiter la mort de ses proches lorsqu’il semble pouvoir en tirer profit. Un Jekyll, que l’argent obnubile ! Podalydès, toujours virtuose, incarne le personnage d’Harpagon avec férocité et violence, aux antipodes des clichés du vieillard fébrile et souffreteux.

Le travail technique de Don Kent restitue parfaitement la profondeur et la richesse de cette mise en scène. Le réalisateur a privilégié la variété des angles de prise de vue, ce qui offre à l’ensemble l’avantage de n’être pas statique, sans pour autant avoir l’air d’un téléfilm ringard - le public est capté à plusieurs reprises, d’ailleurs avec subtilité. Il arrive que la disposition scénique crée de la confusion (on ne sait pas toujours qui est supposé entendre quoi), mais la captation restitue toute l’énergie des comédiens. Et ceux-ci n’en manquent pas. Suliane Brahim invente une fougueuse Elise, Dominique Constanza joue les marieuses avec un charme ensorceleur, Marie-Sophie Ferdane compose une Marianne romantique, que l’on croirait tout droit surgie de chez Musset. La générosité de l’ensemble ne saurait, en toute bonne foi, laisser indifférent le public de ce très grand spectacle.

Les suppléments :
0
Les bonus sont absents. Quelques interviews n’auraient pourtant pas été malvenues.

L’image :

Comme pour Fanny, un travail impeccable a été mené. Il permet de saisir la violence des contrastes, la texture des chairs, la vivacité des couleurs. Le choix du format 16/9 donne l’occasion d’apprécier l’ampleur du dispositif. Ceux qui disposent d’un grand écran s’y croiront.

Le son :

Rien à redire. Grâce au son stéréo, les voix des comédiens sont distinctes, sans arrière-fond. Les rires des spectateurs ne sont pas trop envahissants. On perçoit avec netteté les petits bruits et autres trucages qui rythment la pièce.