L’argent des autres - la critique du film

Critique : Le début du film organise les éléments d’un mauvais rêve, au sein d’une banque où un fondé de pouvoir apprend qu’il est licencié. Ce commis taciturne est sacrifié sur l’autel d’une machination ourdie par des motivations cupides, le créancier étant aussi véreux que le souscripteur, la politique s’en mêlant, dès lors qu’il s’agit d’établir un cordon sanitaire pour dissimuler des opérations illégales. Dans cet implacable scandale financier, Henri Reinier est une sorte de Joseph K., toujours tiré à quatre épingles, mais aussi anonyme que n’importe quel employé, dont la position intermédiaire est une aubaine manifeste : parce qu’il dispose d’assez de pouvoirs pour qu’on le décrète responsable, malgré lui, sans trop en avoir pour être au courant de ce qui se tramait, on pourra en faire un fusible idéal.
Le propos du réalisateur est empreint d’un pessimisme sarcastique, que le jeu souvent atone de Trintignant et le choix de pénombres envahissantes lestent d’une sorte de fatalité. A la fois inspiré de l’affaire de la Garantie foncière et du scandale Lipsky, deux véritables entreprises de spoliation, sous couvert de placements immobiliers, L’argent des autres met en évidence le fameux "système de Ponzi", montage financier fallacieux, qui permet de rétribuer les investissements des clients, grâce à l’argent des nouveaux entrants. La stupeur de Reinier, qui découvre les arcanes de cette escroquerie, est à la hauteur de sa naïveté, comme un syndrome du bon travailleur dans un monde malhonnête. Parce qu’il veut rendre gorge à ses accusateurs, le modeste salarié subira les ripostes agressives de ruffians en cravates.
Si la mise en scène demeure, à bien des égards, très conventionnelle, si les comédiens ne se départissent pas d’une certaine raideur dans leur interprétation, accentuée par les dialogues scolaires de Pierre Dumayet, l’essentiel demeure dans la dénonciation glaciale d’un système de corruption généralisée, prêt à tout par appât du gain.