Fête des mères
Le 23 novembre 2018
Une variation subtile autour d’un sujet psychologiquement difficile. Prestation troublante d’Isabelle Huppert pour un film intéressant, mais qui s’essouffle parfois dans son propre rythme.


- Réalisateur : Alessandro Capone
- Acteurs : Isabelle Huppert, Greta Scacchi, Mélanie Laurent
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien
- Durée : 1h30mn
- Box-office : 10 206 entrées France - 3 951 entrées P.P.
- Titre original : Madre e ossa
- Date de sortie : 5 août 2009

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Un être malsain a donné naissance à un autre être malsain : ceci est mon histoire et celle de Sophie... Sophie me déteste et je voudrais ne jamais l’avoir mise au monde.
Notre avis : Le cœur a ses raisons que la raison ignore. Et lorsque celles-ci se mettent à contredire ce que le sens commun, la pression sociale ou tout simplement la nature dictent, comme l’amour d’une mère pour son enfant, il ne peut s’ensuivre chez la personne qui porte ce cœur que douleurs et remords, conflits intérieurs et extérieurs, voire folie. Il fallait toute la maîtrise et la finesse d’Isabelle Huppert pour incarner un personnage d’une telle noirceur, en oscillation permanente entre hystérie et mutisme. Malgré l’intérêt apparent du film pour la relation duale entre mère et fille - cette dernière étant interprétée avec une teneur certaine par Mélanie Laurent -, L’amour caché retrace surtout l’expérience solitaire d’une femme combattant avec ses angoisses les plus douloureuses. La caméra agit ici comme un exutoire psychologique face à la frustration, un instrument ambivalent, tantôt vecteur d’une création libératrice, tantôt poinçon à marquer les chairs et les âmes. Le parti de la mise en scène d’enfermer la majeure partie de l’histoire entre les murs des différentes institutions que traverse Danielle, dans un parcours apparemment en forme d’échec programmé, crée une ambiance de répétition malsaine, très efficace, qui transmet avec subtilité la réalité quotidienne de la maladie psychique : haine de soi, souvenirs, ressassement. Le personnage du docteur n’est qu’une figuration du travail du film, qui est aussi celui de tout malade : défricher les terreaux les plus émotionnellement chargés d’une existence, dans une gigantesque purge qui peut s’avérer destructrice. Si bien qu’au final, L’amour caché est une œuvre réellement éprouvante, mais au sens salvateur et cathartique du terme.
C’est toutefois ce choix de la variation insistante autour d’un motif obsessionnel (récupérer dans une tentative presque désespérée l’amour maternel enfoui dans des profondeurs abyssales) qui joue d’arme à double tranchant dans le film, pointant certaines de ses faiblesses. L’amour caché n’échappe pas à un côté statique quelque peu pesant, qui l’empêche de trouver le rythme juste pour déployer toutes ses possibilités. L’écran n’est pas le papier, et la marque de l’écriture littéraire ou simplement autobiographique (celle du journal) laisse à l’ensemble un goût un peu emprunté, en décalage avec la volonté manifeste de réalisme psychologique. Le spectateur se surprend parfois comme le psychiatre de l’histoire, désemparé face au trouble intérieur de Danielle, sans imaginer d’issue possible à sa détresse. Le récit est par là même contraint d’avancer davantage par heurts que dans un mouvement fluide, se résolvant avec une confondante vitesse d’enchaînement des événements dans les quinze dernières minutes. Reste que le film peut se vanter des palmes de la constance, voire de la persévérance, en faisant jouer un atout considérable : une grande modestie, alliée cependant à un parti pris audacieux dans le point de vue et le choix d’un sujet aussi difficile.
- © Zelig Films Distribution