Le 1er juillet 2020
Une adaptation mitigée de l’œuvre féministe d’Elena Ferrante. Les attentes de ses quelques millions de lecteurs risquent d’être fort déçues.
- Réalisateurs : Francesco Piccolo - Laura Paolucci
- Acteurs : Elisa Del Genio, Ludovica Nasti, Margherita Mazzucco, Gaia Girace
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Italien
- : Universal - StudioCanal
- Durée : 416mn
- Date télé : 1er juillet 2020 21:05
- Chaîne : France 2
- Titre original : L'Amica Geniale
- Date de sortie : 13 décembre 2018
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Date de sortie du DVD : 16 janvier 2019
Résumé : Quand la plus vieille amie d’Elena Greco semble avoir disparu sans laisser de trace, cette femme férue de littérature décide d’écrire l’histoire de leur amitié. Sa rencontre avec Raffaella Cerullo, qu’elle a toujours surnommée Lila, remonte à leur première année d’école primaire en 1950. Une amitié de plus de 60 ans, avec pour toile de fond la dangereuse et fascinante ville de Naples, que le destin et les décennies tenteront de mettre à mal, alors que les deux amies finiront par prendre des chemins différents dans la vie.
Critique : Littérature et cinéma font souvent bon ménage ; alors quand une saga littéraire n’attire pas moins que dix millions de lecteurs, l’étape suivante ne pouvait être qu’une adaptation. Coproduite par HBO et la Rai, vendue à 56 pays et diffusée en France sur Canal +, l’adaptation en série télévisée de la saga littéraire écrite par la mystérieuse écrivaine italienne Elena Ferrante comptera quatre saisons – comme autant de livres.
La première saison est donc la retranscription en 8 épisodes du premier ouvrage, qui a rencontré dès sa parution en 2011 un très vif succès. Publié en France aux Éditions Gallimard, L’Amie prodigieuse est le récit d’une amitié entre deux femmes : d’un côté Elena Greco, la narratrice, décrite comme douce, sage et très intelligente et de l’autre Raffaella Cerullo, surnommée Lina ou Lila, élève surdouée mais au caractère ambivalent. L’une fera des études, l’autre pas. L’une fuira le quartier situé dans la banlieue de Naples, où se déroule le premier volume de ces aventures, alors que l’autre semble y être irrémédiablement enchaînée. Mais entre elles, une amitié très forte va naître, teintée de jalousie, d’envie et d’agressivité, alors que les bouleversements politiques et économiques les plus âpres vont secouer l’Italie à partir des années 50, époque où se déroule la série, réalisée par le cinéaste Saverio Costanzo.
- © Eduardo Castaldo / Fremantle
Cette première saison retrace l’enfance et l’adolescence des deux héroïnes, dans une adaptation qui ne cherche jamais à s’éloigner du livre mais colle au contraire beaucoup (trop ?) à l’ouvrage. Retranscription plus que fidèle, la série cherche pourtant à trop bien faire, au risque de tomber dans son propre piège. Malgré la durée de chaque épisode (environ 52 minutes), format qui permettait au réalisateur de bien doser son scénario entre description fidèle du contexte et des passages du livre indispensables pour les saisons suivantes, Saverio Costanzo a préféré opter pour un rythme très lent, ce qui rend les épisodes trop longs. Le dynamisme du ton et des dialogues, qui transparaît à chaque ligne du livre, manque cruellement à la série. La mise en scène classique ne prend son envol vers plus d’originalité que lors du dernier épisode, avec l’utilisation du format diapositif employé pour le générique. Si ce choix astucieux permet de rappeler à quelle époque se situe la série, il est dommage que la mise en scène n’ait pas suivi le même chemin, forçant le téléspectateur maintenant habitué aux facéties des séries télévisées, à remarquer immédiatement les nombreux points faibles de cette adaptation par trop fidèle.
- © Eduardo Castaldo / Fremantle
Les très nombreux fans du livre, qui attendaient forcément cette adaptation avec grande impatience, risquent de rester sur leur faim tout en étant conquis par les interprètes, excellentes. Pas moins de 8000 petites filles et adolescentes ont été castées avant de découvrir la perle rare : au final, difficile de ne pas être conquis par Ludovica Nasti et Elisa Del Genio, qui interprètent Lenù et Lila enfants, alors que Gaia Girace et Margherita Mazzucco prêtent leurs traits aux mêmes personnages adolescentes. Elles sont la personnification exacte, et même de manière troublante, de ce que le lecteur peut imaginer en tournant les pages de L’Amie prodigieuse. La jeune Ludovica Nasti est par ailleurs tellement formidable qu’elle met en valeur un autre point faible de cette adaptation : alors que l’enfance des deux petites filles est un passage absolument primordial, la série en fait presque l’impasse, ne consacrant que deux petits épisodes à ce qui est une étape cruciale du roman. La description des personnages et de leurs psychologies en pâtissent, principalement en ce qui concerne Lila, dont le public aura du mal à saisir l’importance s’il ne connaît que la série. Trop centrée sur Elena au détriment de ce qu’elle considère comme sa moitié, l’adaptation souffre d’un scénario bien faible en comparaison d’un ouvrage jugé unanimement excellent.
Reste tout ce qui est venu se greffer autour de ce scénario, et qui mérite malgré tout le coup d’œil.
- © Eduardo Castaldo / Fremantle
Si le scénario n’est clairement pas à la hauteur de l’œuvre originale, le résultat de deux années de travail pour une reconstitution minutieuse est tout de même là. Bien au-delà de la simple démarche historique, c’est toute une atmosphère qui est retranscrite, quand les enfants jouaient dehors, que la mafia avait pignon sur rue et que la marmite qu’était Naples, prête à exploser, était encore assez calme. Les années 50 sont si bien représentées que l’on jurerait que la série a été tournée pendant cette période. Pas un seul élément ou faux raccord ne vient ternir l’atmosphère d’antan, avec une image vintage et un filtre ocre qui nourrit une ambiance propre à un quartier populaire qui agit comme une nébuleuse – une micro-société napolitaine qui obéit à des règles bien définies. Il ne s’agit pas de cacher la misère, les injustices et les tensions sociales ou la violence des gestes et des mots dont sont victimes les enfants dès leur plus jeune âge, mais plutôt d’expliquer comment l’Italie allait plonger dans une période d’incertitudes qui a profondément meurtri son Histoire.
Tout l’intérêt des DVD est précisément de proposer la version originale, et donc de témoigner de l’intense travail linguistique qui a été nécessaire pour refléter le langage employé dans le Naples des années 50. Le dialecte napolitain de l’époque est ici employé pour toutes les scènes se déroulant dans le fameux quartier, alors que l’italien, utilisé par les classes supérieures et jugé volontiers hautain par les masses laborieuses, est laissé de côté.
La langue et surtout son usage étant le reflet d’une société et de la situation financière des uns et des autres, il serait ici dommage que le spectateur italien soit le seul à bénéficier du yoyo très intéressant entre le dialecte et la langue officielle de l’Italie.
- © Eduardo Castaldo / Fremantle
Les costumes et les décors étant impeccables et le dialecte napolitain jouant sur l’authenticité, il fallait forcément que la bande originale soit le reflet du drame qui se joue dans le quartier où sont nées les héroïnes. Saverio Costanzo a fait appel à une pointure : Max Richter, qui témoigne de nouveau de sa maîtrise du répertoire classique. Après la bande-son de The Leftovers, il s’attaque ici à cette adaptation dont le résultat mitigé montre bien que la forme a gagné au détriment du fond.
Reste le plaisir de découvrir Naples, les paysages de l’Italie et de plonger dans une série qui permet de mieux appréhender l’Histoire de ce pays en profondeur. Signal d’alarme qui rappelle l’importance de l’éducation pour tous, L’Amie prodigieuse est surtout le récit d’une amitié qui ne s’arrête pas aux personnages d’Elena et Lila mais englobe au contraire l’ensemble de leurs camarades de classe, à qui la vie ne fera pas davantage de cadeaux.
Avant de découvrir les prochaines saisons, cette première mouture tente de mettre l’accent sur la difficulté pour des parents, pris dans l’engrenage de la violence, à appréhender les conséquences de toute cette agressivité sur une progéniture qui sort perdue et déboussolée d’une enfance délicate. En espérant que les prochaines saisons seront davantage à la hauteur d’une œuvre littéraire dont on n’a pas fini d’entendre parler, et à laquelle, de toute évidence, il vaut mieux se tenir. Bonne lecture !
LE TEST DVD
Les suppléments
Une douzaine de minutes seulement constituent le bonus de cette édition DVD. Au programme : quelques explications sur l’adaptation du livre en série télévisée, ainsi que des détails sur les costumes, les décors et la reconstitution historique des années 50 en Italie. Davantage d’explications aurait permis de mieux appréhender la création du scénario tout en répondant aux nombreuses questions que se posent les nombreux aficionados du roman sur l’adaptation.
Les interviews du réalisateur et des actrices principales ne permettent pas de comprendre comment elles ont été choisies, pourquoi et de quelle manière ils ont réussi à se glisser dans la peau des principaux protagonistes et à donner vie à une histoire traduite dans plus de 50 pays dans le monde.
L’image :
L’image est de bonne qualité et a de toute évidence été travaillée savamment afin de rappeler les films de l’époque tout en créant une atmosphère particulière dont la série a désespérément besoin.
Le son :
Le son stéréo est de bonne qualité. Les DVD permettent aux spectateurs de choisir la version originale sous-titrée en français, ce qui permet immédiatement une immersion dans l’Italie des années 50.
Galerie Photos
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