Le 8 septembre 2020


- Scénariste : Simon Lamouret>
- Dessinateur : Simon Lamouret
- Genre : Roman graphique
- Editeur : Sarbacane
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 2 septembre 2020
Roman graphique génial autour d’un building indien.
Résumé : Sur un terrain vague d’un beau quartier d’une ville indienne, Mebhoob est un manœuvre qui veut faire embaucher son beau frère Rafik. Avec sa compagne Salma, ils vont vivre là, à côté du chantier de l’Alcazar, côtoyant d’autres vies et étirant la construction de leur foyer à celle du bâtiment.
Simon Lamouret l’a fait, créer un roman graphique qui ne veut pas raconter une vie mais une chose inerte, la transcender, compilant plus de deux cent pages que des auteurs du Nouveau Roman comme Robbe-Grillet ou Sarraute n’auraient pas renié. De fait, oubliez le court résumé que nous venons d’écrire, il est partiellement mensonger, car nous nous sommes fait avoir à croire que Mebhoob était bien un héros, avec ses faiblesses et ses ruses, mais un héros tout de même.
Mais non, s’il est une belle attache humaine, lui, sa femme et son beau frère gaffeur ne peuvent éclipser le vrai point central de l’album, à savoir le building Alcazar. En faisant jaillir les inégalités et les failles de toute une société indienne par les pores de ses échafaudages branlants ou ses carrelages mal posés, le bâtiment devient le réceptacle de toutes les peines, les doutes, les lâchetés et les traîtrises de l’espèce humaine. Finement traités, les personnages, des plus bas échelons aux plus hautes sphères, reçoivent un traitement asymétrique : plus la richesse est grande, plus le cœur se révèle corrompu. Un message pas si neuf, mais la façon de le traiter à travers le milieu du BTP, de ce pays milliardaire de population, aboutit à quelque chose d’aussi épais que brut.
Simon Lamouret / Sarbacane
Cette brutalité se retrouve dans le dessin, puisque l’auteur a donné un écrin de terre ocre et de brique bleue à son album. Ces tonalités transportent très facilement sur un chantier qui se trouve en Inde, mais qui concerne n’importe quel territoire humain. Aussi, les noms, traits et coutumes qui enveloppent les planches d’un parfum exotique deviennent au final très universels, comme si le dessin avait au final gravé une histoire d’intemporel et d’inévitable, une fresque qui pourrait décrire aussi bien le chantier d’une cathédrale autrichienne ou d’une favela brésilienne. Ainsi, on comprend que l’unité puissante du dessin n’appartient nullement à la pauvreté graphique, mais bien à une vue d’ensemble que seul un œil aguerri peut obtenir, car il dépend du vrai et du vécu.
Simon Lamouret / Sarbacane
Fresque désormais incontournable du roman graphique, L’Alcazar est une BD qui anoblit un sujet autant qu’elle construit et renouvelle un genre. En conclusion : le type d’ouvrage qui fait date dans son domaine.
208 pages - 25€