Le 24 avril 2017
En filmant une gorille, Schroeder instille une réflexion quasi métaphysique sur l’essence de l’homme. Passionnant.
- Réalisateur : Barbet Schroeder
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h25mn
- Box-office : 44118 entrées (France)
- Titre original : Koko, the talking gorilla
- Date de sortie : 11 novembre 1978
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– Ce Blu-ray qui contient aussi Général Idi Amin Dada : autoportrait fait partie du coffret Schroeder édité par Carlotta – sortie : le 26 avril 2017
Résumé : L’éducation de Koko, jeune femelle gorille, qui réussit à communiquer par un langage approprié avec les hommes.
Notre avis : L’essentiel du film repose sur le « travail » de Penny Patterson, chercheuse à l’université de Stanford, avec Koko, la gorille formée au langage des signes. De longues séquences durant, elle utilise les mots qu’elle connaît, en interactions permanentes. Et ce qu’on voit est fascinant : Koko emploie à bon escient des mots, qu’elle combine, et les emploie même en l’absence des référents. Il y a tout une partie démonstrative qui la montre demandant, réagissant, mais aussi faisant des « bêtises » : et là, petit à petit, les questions s’insinuent chez le spectateur ; car enfin, pour ne donner que l’exemple le plus flagrant, qu’est-ce qu’être bonne ou mauvaise pour une gorille ? En quoi ces notions morales sont-elles pertinentes pour un animal ? La fin du film interroge ces notions, alors qu’on désespérait de les entendre ; d’abord par la voix du directeur du zoo auquel Koko a été enlevée (« on a forcé Koko à devenir une personne »). il est assez ironique, surtout après avoir vu l’enclos dans lequel vivent ses animaux, que ce soit lui qui se pose en défenseur, et sans doute les intérêts économiques ne sont-ils pas étrangers à son analyse. Néanmoins, reconnaissons qu’il appuie où ça fait mal : l’anthropomorphisation nous apparaît aujourd’hui, plus assurément qu’en 1978, comme une erreur scientifique et probablement morale. L’éthologie contemporaine ne prend pas comme repère absolu l’intelligence humaine pour juger celle des animaux, ni le langage humain pour évaluer celui des animaux. Comprendre sans juger, sans évaluer faussement est difficile ; on ne peut s’empêcher en voyant le film d’anthropomorphiser soi-même : Koko ne donne-t-elle pas l’impression de s’ennuyer ? Ses contritions ne nous évoquent-elles pas celles d’un enfant pris en faute qui cherche à se faire pardonner ?
- Copyright Les Films du Losange
On comprend, on sent la fascination du cinéaste devant cette entreprise neuve, même si elle n’était pas inédite. Il s’abstient de juger la plupart du temps, mais le commentaire final élargit la question de manière ouverte mais salutaire ; oui, le film interroge sans fin sur la place de l’animal, ses droits, mais aussi sur ce qu’est une personne, ce qui nous rend humain. Ironiquement, certaines phrases mettent une distance avec ce qu’on voit, ainsi de ce magnifique « Koko sera peut-être le premier gorille blanc, américain et protestant ». Penny Patterson lui impose, outre des valeurs abstruses, un mode de vie étrange, jusqu’au changement d’alimentation : Koko mange des hamburgers, des chips, du poulet, alors que les gorilles sont végétariens. En prolongeant ce régime, on imagine qu’elle est devenue aussi pleinement américaine, en devenant obèse par la suite …
L’intelligence du documentaire est de poser nombre de questions (l’interrogation sur l’exploitation à la fin est mordante) en partant d’une expérimentation a priori intéressante. De fait, plusieurs décennies après, si les réponses ont un peu évolué, nous sommes toujours dans le flou et sans doute la science n’a-t-elle fait que poser différemment (mieux ?) les problèmes ; nous sommes bien sûr victimes des pensées de notre temps, n’ayons pas trop d’illusions. Mais le film de Schroeder apparaît aujourd’hui comme un jalon, un témoignage saisissant et riche, qui nous renvoie à notre époque et ses contradictions.
- Copyright Les Films du Losange
Les suppléments :
L’entretien passionnant avec Jean Douchet (19mn) revient sur la genèse, le tournage du film et en analyse les enjeux, c’est à dire la question du statut de l’animal et de la morale. Le Blu-ray ajoute la bande-annonce et Koko qui ? Que ? Quoi ?(16mn), regard actuel et philosophique d’un éthologue sur le documentaire. À travers un savoir contemporain, il remet en question l’expérience et ses présupposés ; sans doute ce bonus est-il indispensable du point de vue scientifique, mais il est aussi d’une grande intelligence critique et pose de nouvelles interrogations cruciales.
L’image :
La copie proposée respecte l’image documentaire, avec son grain et ses imperfections, mais sans parasites, stable et propre.
Le son :
On est loin du son actuel, mais la version DTS-HD Master Audio 1.0 met en valeur les pauvres moyens, et retrouve finalement une certaine authenticité.
Galerie Photos
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