Le 15 avril 2024
Contre toute attente, cette farce grand-guignolesque témoigne derrière ses airs potaches d’une sévère critique de la société marocaine. On rit vraiment malgré la lourdeur du comique de situations comme on a pu se gausser devant des comédies anglaises absurdes.
- Réalisateur : Rabii Chajid
- Acteurs : Drisse Chalouh, Mehdi Azekri, Amal El Atrache
- Genre : Comédie
- Nationalité : Marocain
- Distributeur : Golden Afrique Ciné, Megarama Distribution
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 17 avril 2024
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Résumé : Halim et Mounir tombent accidentellement sur un cahier magique, dans lequel il suffit d’écrire un vœu pour qu’il soit exaucé. Un soir, sur un coup de tête et après s’être fait rejeter par les physionomistes d’une grande boîte de la ville, Halim, ignorant, les pouvoirs de ce cahier, extériorise sa colère en écrivant dedans : « Et si tous les hommes disparaissaient de la terre ». Le vœu est exaucé et le monde entier se retrouve démuni de sa gent masculine… sauf des deux amis.
Critique : Jouj est un succès très important du cinéma marocain. Le film s’invite sur les écrans français avec certainement, en ligne de mire, le public marocain friand de comédies potaches. Il ne faut en effet pas attendre de ce film une réflexion philosophique et mélodramatique sur le sens de la vie. Rabii Chajid assume un ton volontairement grossier et délirant pour suivre le destin de deux chanteurs, aussi ratés qu’ils sont attachants et pétris de bonnes intentions. Jouj est peut-être au cinéma ce que Voltaire est à la philosophie, toute proportion gardée bien évidemment. En effet, la comédie, il faut le reconnaître, parfois très lourde, rend compte d’un pays, le Maroc, qui se débat dans ses contradictions machistes, sociales et religieuses. Le réalisateur égratigne avec ses gros sabots la religiosité, le star-système de pacotille, et la difficulté pour les jeunes de trouver un sens à une existence qui ne passe pas par l’argent à profusion et la reconnaissance des réseaux sociaux.
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Jouj n’a rien du chef-d’œuvre dont nous aimons nous délecter au cinéma. C’est une comédie qui y va franco dans les blagues potaches. Pour autant, plus le propos est lourd, et plus le spectateur rentre dans ce récit totalement décousu d’un duo de chanteurs qui, malgré eux, éliminent la population masculine du monde grâce à un mystérieux livre antique découvert par hasard dans la poche d’une veste. Les femmes prennent alors le pouvoir, sans doute pour le pire, tout en tentant de faire revenir la gente masculine dans leur existence. S’engage alors une course-poursuite contre les deux frères, hilarants et d’une incommensurable naïveté.
Une chose est sûre, le spectateur se marre. Très emprunt de la culture et de l’humour marocains, le film se regarde à la façon des Monty Python ou Bennie Hill Show anglais en leur temps. L’absurdité côtoie une critique certaine du Maroc tout en s’amusant des personnages totalement déjantés qui colorent le récit. Il n’est pas étonnant que la comédie ait connu un tel succès au Maroc. La farce est conçue pour être regardée à plusieurs et générer autant le rire que l’empathie ironique pour les deux protagonistes assommés par leur crédulité. On se sent bête de rire devant une telle mécanique humoristique, mais force est de constater que le tout fonctionne, dans un rythme vif, capable de tenir le spectateur jusqu’à la fin.
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La comédie mélange à sa façon sketchs drôles et aventure fantastico-délirante. Les méchants se matérialisent dans ces hordes de femmes qui, d’ordinaire, se plaignent de l’autoritarisme masculin, mais en l’absence d’homme, se disputent les honneurs de Halim et Mounir. Les codes du masculin et du féminin se dissipent dans les deux personnages principaux qui ne sont absolument pas des modèles de courage et de virilité. Il y a de la part de Rabii Chajid une volonté de se moquer des conventions marocaines en matière de patriarcat au bénéfice de femmes qui se transforment en de véritables harpies.
Jouj ne sera certes pas le film de l’année. Mais il faut saluer le geste d’un réalisateur qui s’essaye à la comédie burlesque dans un contexte où, encore trop souvent, on réduit le cinéma à un exposé tragique du monde. Le réalisateur ne se prend pas au sérieux et, franchement, il parvient à soulever des rires francs, ce qui en soi est une vraie réussite.
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