Le 11 mars 2022
Plombé par ses intentions démonstratives, faussement impressionnant, Joker permet à Joaquin Phoenix de cabotiner pour obtenir un Oscar. Mission accomplie.
- Réalisateur : Todd Phillips
- Acteurs : Robert De Niro, Joaquin Phoenix, Frances Conroy, Shea Whigham, Bill Camp, Douglas Hodge, Zazie Beetz , Brett Cullen
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Canadien
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h02min
- Date télé : 13 octobre 2024 21:10
- Chaîne : TF1
- Reprise: 7 juin 2023
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 9 octobre 2019
- Festival : Festival de Venise 2019
Résumé : Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société.
- Copyright 2019 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. TM & © DC Comics / Niko Tavernise
Critique : Lauréat du Lion d’Or de Venise, porté aux nues par un certain nombre de critiques, Joker est un nouvel avatar du plus célèbre méchant de DC Comics, qui, comme tous les mythes, se reconfigure au diapason de son environnement sociétal : au sein de la dystopique Gotham City, toujours parée de couleurs crépusculaires, la colère gronde et finit par éclater au ralenti, rappelant le mémorable Cosmopolis de Cronenberg, où le personnage incarné par Pattinson traversait, depuis sa limousine, un monde à feu et à sang.
Dans cette société fracturée par la misère sociale prospèrent des puissants sans foi, ni loi : d’abord Thomas Wayne, qui brigue la mairie, avec des postures trumpiennes, puis son équivalent télévisuel, le saumâtre Murray Franklin, à qui Robert De Niro impose ses coups de menton en galoche habituels, avec la même morgue que Jerry Lewis dans La valse des pantins. Arthur Fleck, lui, voudrait attraper un peu de leur lumière, mais le début du film le met en scène comme un de ses marginaux qu’une société individualiste génère, et déjà se profile une morale à deux gros sabots, d’autant que Todd Philips, dont la subtilité n’a jamais été le fort, accentue les scènes édifiantes où Fleck expérimente le prix de sa différence (attaque dans la rue avec vol de pancarte, maman agressive qui soustrait son gamin à la verve clownesque du trublion inquiétant, bide monumental sur scène). A partir de là, le héros dérape et son génie incompris côtoie la folie, comme si on ne connaissait pas le truisme : dopé par les situations que lui offre son réalisateur, Phoenix entame son show qui lui a déjà valu les éloges de la presse et se convertira probablement en Oscar. Même si, dans une récente interview, parlant du tournage, le comédien préférait le mot "expérience" à "performance", c’est bien le second terme, beaucoup plus global, qui s’imposera, avec sa consistance pavlovienne, dans la bouche d’une majorité de spectateurs et d’un certain nombre de critiques.
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Comme tout exploit suppose des morceaux de bravoure, le long métrage offre quelques scènes illustratives, où s’amorce la troublante métamorphose de Fleck en Joker : on pense en particulier à l’agression du protagoniste dans le métro par trois traders, séquence trépidante, avec, comme transition démoniaque entre le clown maltraité et son double vengeur, un rire de mouette criarde. Cette trouvaille scénaristique engendre une certaine perplexité, puisque le héros s’esclaffe toujours en décalé, à des moments inopportuns. Mais ces réactions inopinées deviennent un gimmick, sans doute parce que grâce à son talent naturel, Phoenix est parvenu à impressionner son metteur en scène qui le filme avec les yeux de Chimène, soit lorsqu’il singe Iggy Pop, le torse nu, devant sa télé, soit lorsqu’il esquisse des pas de danse à la Fred Astaire ou quelques pantomimes à la Charlot, dont l’influence encombrante a pour bande sonore le sirupeux Smile.
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Délaissant l’évidence d’un Chaplin, le méchant faussement impressionnant aurait pu privilégier l’opacité d’un Keaton. Mais voilà : construit sur un scénario mélodramatique, Joker ne s’écarte pas de la vulgate hollywoodienne, ce qui le rend absolument comestible. En effet, on apprend que le héros a été trahi par celle qu’il croyait être sa mère et se pensait même le fils de Wayne (donc le frère de Batman !). De plus, il a été violenté pendant son enfance. Tout s’explique donc : les clowns tristes sont des gens maltraités et, par des voies élargies à la communauté tout entière, Fleck devient la figure métonymique d’une société inique dont les figures emblématiques doivent payer. Et quoi de mieux que la télé pour faire un coup ? Grimé en son double maléfique, le personnage prend en otage l’animateur Franklin au cours d’un late-night show, alors qu’il devait y être le dindon d’une farce cruelle. Avant le meurtre de la cynique vedette, il faudra subir le sermon assommant du trublion, aussi lourdingue que la harangue finale de Chaplin dans Le dictateur. Concluant péniblement son film qu’il croit engagé, le réalisateur s’accommode d’un deus ex machina relié à des intentions démonstratives, puisque forcément le maléfique clown doit devenir le héros populaire de toutes les victimes d’un monde injuste, qui hurlent leur colère. Bref, Joker n’est rien qu’un spectacle cathartique et fake, par lequel Hollywood s’offre une bonne conscience, en se plaçant du côté des victimes de la férocité néo-libérale. On ricane volontiers, comme son héros de pacotille.
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ceciloule 22 octobre 2019
Joker - Todd Phillips - critique
Je trouve la chronique un peu sévère mais j’imagine que ça ne fait pas de mal vue la réception critique (presque) dithyrambique... Certes, le film est un peu manichéen, mais la mise en scène reste soignée, les jeux de lumières, travaillés, et la "performance" (car c’en est bien une, sur ce point je suis d’accord) de Phoenix est à souligner malgré tout (plus d’infos ici : https://pamolico.wordpress.com/2019/10/22/rire-une-malediction-joker-todd-philips/)
Jean-Lou d’Haeye 18 novembre 2019
Joker - Todd Phillips - critique
Très proche de l’avis de Jérémy Gallet. J’ai trouvé le film lamentablement raté par rapport aux moyen mis en oeuvre. L’aspect psychologique et sociologique du film est digne d’une thèse de doctorat d’un certain Donald.
Dommage.
birulune 4 décembre 2019
Joker - Todd Phillips - critique
J’aime bien ton style et Incels je connaissais pas détaillé et intéressant
birulune 4 décembre 2019
Joker - Todd Phillips - critique
La vache. Je préfère la critique de Jean Lou d’haeye ! Premiere fois que je préfère un critique de critique à la critique elle même. Le ton blasé, le spoiler, le parallèle avec un film de Cronemberg qui n’a rien à voir (Pattinson est un dandy friqué et nanti, l’inverse d’Arthur Fleck) sinon des vérités sont dites sur le film, avec force et conviction, et là est l’essentiel
Vanona 18 janvier 2020
Joker - Todd Phillips - critique
Le film montre la naissance du joker et franchement m’a emmené dans la métamorphose par les tripes. L’auteur du critique devrait renouveler ses références et penser un peu à l’idée que ces articles ressemblent bien au numéro de Arthur dans le film mais dans un style ampoulé. Il ne sera plus publié, discrédité par son propre monde...