La vie de famille
Le 5 juillet 2019
Carlos Sorín prend pour moteur l’amour d’une mère, pour mieux faire apparaître la violence sociale que peut engendrer le communautarisme. Que cet affrontement se fasse dans un village reculé altère toutefois l’universalité du propos.
- Réalisateur : Carlos Sorín
- Acteurs : Ana Katz, Victoria Almeida, Joel Noguera , Diego Gentile
- Nationalité : Argentin
- Distributeur : Paname Distribution
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Joel
- Date de sortie : 10 juillet 2019
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Résumé : Ne pouvant pas avoir d’enfant, Cecilia et Diego, qui viennent d’emménager dans une petite ville de la Terre de Feu, attendent depuis longtemps de pouvoir adopter. Alors qu’ils n’y croyaient plus, l’arrivée soudaine de Joel, un garçon de 9 ans au passé tourmenté, va bouleverser leur vie et l’équilibre de toute la petite communauté provinciale.
Notre avis : Les personnages de Carlos Sorín sont des solitaires. Il suffit de revoir Jours de Pêche en Patagonie ou Bombon el Perro pour s’en convaincre. Le réalisateur argentin tente de contourner cet état de fait avec son nouveau film, puisqu’il s’agit avant tout de rentrer dans le quotidien d’un couple. Dès le très joli plan-séquence en steady-cam, qui ouvre le film à travers les bois, il est acté que le spectateur suivra le point de vue de la femme, Cecilia. Dès lors, elle et son mari, Diego, qui ont emménagé depuis peu dans un sympathique village en montagne, voient leur rêve d’adoption se réaliser avec l’arrivée de Joel dans leur foyer. Ce jeune garçon peu bavard est cependant, du haut de ses neuf ans, bien plus âgé que ce qu’ils avaient espéré et porteur de tout un passé trouble sur lequel il n’est pas bon de revenir. Mais cet enfant restera probablement leur seule chance d’en avoir un chez eux. Les institutions administratives leur ont mis ce couteau émotionnel sous le cou, et ils n’ont pas pu refuser.
Les thèmes de la solitude et de l’intégration sont donc toujours au cœur de ce nouveau récit, mais cette fois ils sont observés avec davantage de recul. En effet, tout le nœud du drame qui se tisse autour de cette famille nouvellement constituée, ne se fait pas dans la maison elle-même, où Cécilia et Diego semblent bien préparés à leurs nouvelles responsabilités, en faisant tous les efforts comme il faut. Il se fait à l’école, ce lieu où se réunissent quotidiennement les enfants des familles très chrétiennes de ce village, et où l’arrivée impromptue de Joel ne manque pas de faire jaser.
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Or, le parti pris qui consiste à rester du côté de Cécilia, ne nous permet de savoir concrètement ce qui se passe, ni dans la cours de récréation, ni lors des conversations entre les parents d’élèves et la direction scolaire. Il nous faudra nous contenter des informations altérées qu’elle en reçoit, pour nous faire notre propre opinion. La bienveillance qu’affichent l’institutrice et le directeur de l’école ne convainc pas Cécilia, qui décide de prendre la défense de Joel et découvre alors la teneur méprisante des propos qui se tiennent, hypocritement, à son égard.
Le dispositif, qui nous fait suivre cette mère courageuse, n’est finalement pas sans rappeler celui qu’avait employé Bong Joon-ho dans Mother, à la différence que, d’abord, les accusations à l’encontre du fils ne relèvent pas d’un meurtre, mais de comportements scolaires, outre qu’ici la mère en question a un interlocuteur privilégié.
Diego, justement, est un personnage bien plus intéressant qu’il n’y paraît, puisque sa passivité vis-à-vis des comportements hostiles envers Joel, semble être une parfaite représentation de la politique de l’autruche, par rapport à l’ostracisme social que dénonce Sorín. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici, d’un entre-soi rural, clivant la classe moyenne qui peuple cette charmante bourgade et les ouvriers, essentiellement des bûcherons, dont les enfants vont dans une école quelques kilomètres plus loin (d’après Sorín, les faits auraient été les mêmes en ville, mais il préfère rester fidèle à cette région reculée dont il aime sublimer les paysages). Ce schéma sociétal, Cécilia semblait l’ignorer en venant vivre ici, et la configuration la scandalise, dès l’instant où elle y est confrontée. Et on comprend sa colère !
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