Le 27 août 2016
Une expérience intrigante qui vaut par son scénario plus que par une mise en scène indigente.
- Réalisateur : Guy Green
- Acteurs : Michael Caine, Candice Bergen, Anna Karina, Anthony Quinn
- Genre : Thriller
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h57mn
- Date de sortie : 22 janvier 1969
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Résumé : Un enseignant est confronté à un magicien lorsqu’il débarque sur son île.
Notre avis : The magus est aujourd’hui davantage connu pour une réplique de Woody Allen (« If I had to live my life again, I’d do everything the same, except that I wouldn’t see "The Magus" ») que pour ses qualités ou défauts intrinsèques ; il traîne ainsi une épouvantable réputation, si bien que le voir quasiment demande un effort d’objectivité. Si on est surpris, dérangé, agacé par le film, convenons que la saillie d’Allen s’appliquerait à bien d’autres longs-métrages éprouvants, désolants, et chacun aura sa liste …
Qu’en est-il donc ? Le scénario, écrit par John Fowles d’après son roman, ce qui n’est pas n’importe quoi, déconstruit une histoire qui ne cesse de se retourner et d’échapper à la compréhension : le jeune professeur a-t-il rêvé sa rencontre avec cet homme étrange, magicien-manipulateur ? Lily est-elle une actrice, une folle, une complice ? Y a-t-il eu massacre d’innocents pendant la guerre et quel rôle le démiurge y a-t-il joué ? Au terme de l’histoire nous n’en saurons rien. Inutile de dire que ce jeu avec la narration, vieilli sans aucun doute, porte la marque de son époque et des tentatives d’écriture moderne (on songe en particulier à Robbe-Grillet et ses labyrinthes) ; mais il fait écho à d’autres préoccupations très littéraires, sur le statut de l’auteur (Anthony Quinn, étendant les bras comme la statue de Zeus, est-il une figure de l’écrivain omniscient ou un simple affabulateur ?) ou du personnage et de sa psychologie. Ainsi toutes les conventions liées aux personnages font-elles l’objet de jeux : on ne comprendra pas vraiment l’enjeu des disputes entre Michael Caine et Anna Karina, qui paraissent aussi artificielles que vaines ; de même dans l’une des séquences finales les protagonistes sont-ils masqués en dieux divers. Ils n’ont pas de chair, mais une apparence sans aucune épaisseur.
Plus profondément, le scénario s’interroge sur, n’ayons pas peur des mots, le sens de la vie : nous sommes des marionnettes entre les mains de divinités obscures qui nous manipulent, sans que jamais la signification profonde ne nous éclaire. Retirons un masque, un autre apparaît. Si Fowles refuse la psychologie traditionnelle, c’est qu’elle n’a plus cours dans un monde absurde, après Hiroshima, après les camps de concentration. Choisir la Grèce, dans cette optique, est révélateur de cette volonté de revenir aux origines et donc à la tragédie ; mais c’est une tragédie bouffonne, dans laquelle tout n’est qu’apparence : le poison n’en est pas, les soldats allemands sont des comédiens, et, bien sûr, les dés sont pipés. Au fond les personnages sont davantage des névrosés pathétiques que de flamboyants héros.
On le voit, le scénario ne manque pas d’ambition ; d’autant qu’il mêle les genres et les tons, passant du fantastique au récit de guerre, de l’érotisme au drame, du grotesque au quotidien. Comme s’il s’agissait de résumer toute la littérature pour mieux la nier, de déconstruire un art à bout de souffle. Mais le problème, outre le fait que ces préoccupations sont très datées, c’est qu’il eût fallu un metteur en scène à la (dé)mesure d’un tel projet. Or, et c’est là que le bât blesse, jamais Guy Green ne parvient à en faire un spectacle intrigant : il aligne les tics de montage, les zooms intempestifs, ne sait pas quoi faire des splendides décors. Quant à diriger des acteurs ! La pauvre Candice Bergen est en roue libre, Anthony Quinn cabotine sans frein, et Michael Caine n’a pas l’air concerné. Si Anna Karina s’en tire mieux, c’est qu’elle a un rôle strictement réaliste et ne participe pas au grotesque généralisé.
On peut rêver à ce qu’un Welles eût fait d’un tel scénario, peut-être même un Tim Burton au mieux de sa forme. Tel quel, The Magus apparaît comme une magnifique occasion ratée. D’une certaine manière, c’est un cas d’école : comment gâcher un matériau intéressant pour produire ce film bancal, sans âme, voilà une vraie réflexion sur le rôle du metteur en scène.
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