Horizons perdus
Le 20 juillet 2016
Prix du public 2015 à Sundance, James White échappe au pathos tout en déployant une mise en scène habile autour du thème de la claustration mentale. Premier essai prometteur pour Josh Mond.
- Réalisateur : Josh Mond
- Acteurs : Cynthia Nixon, Scott Mescudi, Christopher Abbott
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 01h28mn
- Date de sortie : 30 août 2016
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- Année de production : 2014
- Sortie VOD : 30 août 2016
FESTIVAL DE SUNDANCE
FESTIVAL DE DEAUVILLE – Prix de la Révélation – Josh Mond
FESTIVAL DE LOCARNO – Sélection Officielle
Résumé : James White a une vingtaine d’années et mène une vie dissolue le jour comme la nuit à New York. Mais lorsque sa mère tombe gravement malade, il doit alors affronter la réalité et trouver l’énergie nécessaire pour faire face à ses nouvelles responsabilités.
Notre avis : Producteur de Two Gates of Sleep, Martha Marcy May Marlene ou encore Simon Killer, Josh Mond s’était jusqu’à présent fait discret derrière la caméra, ne réalisant que deux courts métrages restés anonymes. Son premier long métrage, James White, a bénéficié d’une assez belle renommée grâce notamment à sa présentation en ouverture du Festival international du film de Locarno 2015. Mais également via le prix du public décroché à Sundance en 2015, et le prix Kiehl’s de la Révélation décerné à Deauville la même année. S’il paraît encore quelque peu hâtif pour propulser Josh Mond au rang de jeune premier du cinéma indépendant américain, son travail sur James White n’en reste pas dépourvu d’intérêt. Son scénario, articulé autour du destin tumultueux d’un adulescent, James, dont le père vient de mourir et dont la mère se bat contre le cancer, ne brille pas par son originalité. À ceci près qu’il échappe - chose assez rare - au sentimentalisme et au romanesque : pas d’emphase ici mais juste un regard singulier pour embrasser la banalité implacable du quotidien.
D’un bout à l’autre de James White, Josh Mond enferme son interprète principal dans le cadre de la caméra comme pour résoudre une équation : la question de son désespoir latent. Les premiers plans sur son visage perdu et morcelé sont très serrés. La caméra enregistre à la fois son absence délibérée d’un monde tangible devenu trop insoutenable, et sa présence dans un univers mental pavé de démons. Ivre, les yeux à demi clos, James tangue dans une boîte de nuit new yorkaise rougeâtre et étouffante comme l’enfer. Qu’importent pour lui les murs de son écrasants émanant de l’antre, seule l’oreillette de smartphone vissée à son oreille semble compter. "Don’t Let The Sun Catch You Crying", chante Ray Charles. Cette douleur bluesy, tiraillée entre l’ivresse d’une existence vécue sans lendemain, absorbée jusqu’à la lie, et la dépression la plus profonde, fait figure de programme dans James White. Là où soleil et amour piègent irrépressiblement le désir, couve un feu dévastateur, semble souligner Josh Mond. C’est dans cette configuration que James trouve comme palliatifs à sa vie dissolue et désordonnée le réconfort procuré par l’alcool, la drogue et une sexualité inconditionnée. Parce qu’aucune plénitude ou satisfaction durable n’est possible pour lui, parce que la dislocation prévaut encore sur la réconciliation cathartique, ne demeurent que des plaisirs éphémères. Pas de rédemption symbolique à l’image, d’ailleurs, juste une fellation hors cadre dans des toilettes de night club ou une branlette sous la douche. Comme si la véritable union entre deux corps, allégorie d’une paix retrouvée, ne pouvait se concrétiser.
Pour mettre en scène cette lutte incessante entre ténèbres et lumière, cadrage et musique douce amère servent de vecteur. Outre les intertitres sur fond noir égrainant les mois d’une séquence à l’autre tel un compte à rebours annonçant une mort prochaine, la distance de la caméra vis à vis du protagoniste joue considérablement. L’ouverture du mois de novembre, avec ses deux plans d’ensemble en champ-contrechamp cadrant d’une part la mer, de l’autre la plage, suggère une libération atteignable. James n’est alors plus prisonnier du cadre et peut basculer d’un espace à l’autre spontanément : de la plage à la mer ici pour convoiter notamment une belle adolescente. L’attente créée par le "Crazy He Calls Me" de Billie Holliday n’est cependant qu’un leurre. Josh Mond choisit à dessein par exemple de ne jamais filmer de relation sexuelle véritable lorsque le cadre enserre les deux amants – juste des aléas moins avouables. Et même si quelques mouvements de caméra suivent pour la première fois sans à-coups le protagoniste, comme si le montage fragmenté et la détresse des débuts se dissipaient peu à peu, les espérances s’avèrent vaines. La mise en scène finit par scinder le plan en deux lorsque James et la jeune femme se dirigent vers la caméra, avec d’un côté la route embouteillée, de l’autre des arcades sombres. Cette logique de la claustration sera l’allégorie d’un point de non retour pour James, bientôt contraint de s’occuper de sa mère malade et de ne plus refouler le deuil de son père.
La dernière partie du film, huis-clos crépusculaire et émouvant, ne tombe jamais dans le pathos gratuit. Christopher Abbott, l’interprète principal, et Cynthia Nixon (Sex and the City, entre autres) semblent par moment tout droit sortis d’un film de John Cassavetes, sans pour autant en atteindre la puissance émotionnelle. Restera cette métaphore de la boîte de 96 crayons à laquelle fait allusion Gail, la mère de James. Comme elle, ce dernier a toujours vécu sa vie dans la démesure, emportant enfant sa boîte partout pour crayonner le monde, et la transposant pour chaque chose. Pour Gail, l’important est comme elle dit de "ne pas vivre tout là-haut ou au contraire tout en bas". Reste à James, captif à tout jamais du film - celui d’une destinée prétendant à une liberté inaccessible - à trouver la juste mesure pour se dérober à ses pulsions. Sans réinventer le drame indépendant, Josh Mond fait montre d’un vrai savoir faire.
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