Jamais - La chronique BD

Cette BD peut se voir selon deux points de vue et c’est là où Duhamel a réussi une belle narration. Madeleine est touchante, obstinée mais aussi dangereuse et têtue comme une mule. On l’apprécie comme on peut rapidement la détester. De même, le maire semble bien stupide, tout comme il est inquiet pour cette vieille femme, autant que pour la responsabilité qu’il porte de protéger ces concitoyens. On peut s’attacher au maire par moment, et à d’autres c’est Madeleine qui gagne notre sympathie. On passe d’un monde à l’autre, de celui de l’aveugle solitaire dans sa maison, parlant encore avec son mari défunt, à celui du maire qui ne comprend pas jusqu’où tout cela peut aller et qui se tourne vers ses concitoyens, peu enclins à lui donner un coup de main.

Ce qui est curieux, c’est qu’aucun ne semble comprendre l’autre. Le maire s’explique à corps et à cris mais Madeleine semble ne jamais rien entendre. Madeleine ne parle pas de ce qui la motive à rester dans cette maison au bord de l’effondrement, et le maire ne cherche pas à le savoir. Tous les deux n’arrivent pas à communiquer ensemble. Cette histoire montre aussi comment créer un lien. Le personnage du sapeur, fraîchement arrivé dans le village de Troumesnil, va permettre d’ouvrir la porte de l’échange et de la compréhension. Il détient les clés mais va-t-il les utiliser ? La fin de l’histoire reste ouverte...
Duhamel reprend les pinceaux pour cette bagarre locale. Son style s’arrondit pour donner vie à ses personnages, rejoignant un style rappelant celui de Tome, différent du dessin plus dur et plus proche du réalisme du Retour, son précédent opus. L’occasion d’admirer donc le talent de dessinateur mais aussi de coloriste de cet artiste multi-casquette.

Jamais oscille entre comédie et drame. Cette BD laisse un curieux goût dans la bouche, l’impression d’avoir touché quelque chose de très humain chez les protagonistes de cette histoire, et le regret de quitter Troumesnil en refermant ce recueil.