J’arrête quand je veux - la critique du film

Une comédie où le rire ne cache pas pour autant la réalité de la crise terrible que subissent des universitaires brillants en Italie. A inscrire dans la même veine qu’Ocean’s Eleven et The Big Bang Theory !

L’argument : Un groupe de brillants chercheurs universitaires tente de sortir d’une impasse : trouver un travail. Ils décident alors de créer la drogue parfaite et légale…

Notre avis : Pour son premier long-métrage, le cinéaste italien Sydney Sibilia s’est inspiré de l’actualité, principalement d’un article paru dans un quotidien romain en 2010. Il y était question des sévères coupes budgétaires qui touchaient alors le secteur de la recherche. En prenant comme exemple deux jeunes professeurs en philosophie qui, pour gagner leur vie, se sont retrouvés éboueurs bien malgré eux, le journaliste mettait en lumière le paradoxe cruel qui consiste à laisser les plus brillants cerveaux de la société italienne à sa marge. {{© Bellissima Films}}En combinant cette crise sociale avec la faiblesse de la loi transalpine sur les drogues, il n’en fallait pas plus au réalisateur pour tenir la base d’un scénario ayant pour objectif ultime de divertir. C’est ainsi grâce à lui que les centaines de milliers d’Italiens qui se sont précipités dans les salles pour découvrir ce film (il marque en juillet sa 20e semaine d’exploitation au pays) ont appris qu’une drogue qui n’est pas inscrite sur une liste établie chaque année par leur gouvernement n’est pas considérée comme illégale. Ils peuvent donc non seulement la posséder, mais aussi la vendre. Cet état de fait devait forcément inspirer le cinéma tôt ou tard, réveillant une conscience politique aiguë chez des cinéastes comme Sydney Sibilia. {{© Bellissima Films}}Comment alors ne pas s’attacher à cette bande de chercheurs, des spécialistes dans leurs domaines, qui n’ont d’autre ambition que de sortir du chômage et de la situation financière désastreuse dans laquelle les a laissés leurs études ? Leurs portraits deviennent ainsi une belle illustration de l’amitié, au cœur d’une comédie douce-amère où le drame social se dépeint forcément avec une bonne dose d’humour. Chaque acteur incarne avec finesse et sincérité un personnage bouleversé par le cours de sa vie, qu’il pensait bien plus brillante.
La critique n’est donc pas bien loin : l’éducation nationale et son manque de considération pour ses diplômés est pointée du doigt, tout comme cette volonté de vouloir tout légiférer, sans grand succès si l’on en croit Sydney Sibilia. Son film, après tout, repose sur le principe que la loi, à peine votée, est déjà obsolète et qu’il n’est pas bien difficile de se glisser dans les brèches. {{© Bellissima Films}}Fort intéressant sur le fond, le film se distingue surtout par sa forme. Aidé par le directeur de la photographie Vladan Radovic et par les décors acidulés d’Alessandro Vannucci, le réalisateur s’est permis des libertés stylistiques en s’inspirant du cinéma américain contemporain. Parfaitement conscient que l’un de ses modèles, un certain Quentin Tarantino, est un grand connaisseur du cinéma italien, Sydney Sibilia propose de lui répondre en présentant un long-métrage dans lequel fleurissent non seulement les produits américains mais également des citations et des parodies. L’affiche du film rappelle notamment le thriller Usual Suspects, alors que les références à Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh sont légion. {{© Bellissima Films}}
La bande son où se combinent pop et R’n’B aide à rendre encore plus attrayant un long-métrage qui réussit à faire rire et réfléchir à la fois. Les connaisseurs reconnaîtront forcément les caractéristiques de certains clips américains, notamment l’utilisation de ralentis et de gros plans. La musique a la lourde charge de rendre sexy des personnages qui ne le sont pas et joue donc un grand rôle, entre tubes italiens et américains particulièrement bien choisis.
L’objectif premier, qui est de faire rire, est donc largement rempli. Le second, plus confidentiel et insidieux, est la preuve même de l’immense talent du réalisateur, qui devrait signer ici le début d’une carrière brillante. Car une fois le rire éteint, il reste un constat accablant et une question brûlante : comment des universitaires d’une rare intelligence en arrivent-ils à plonger tête la première dans la criminalité ? En entraînant le spectateur sur la route du divertissement, Sydney Sibilia n’oublie pas forcément de mener à une prise de conscience, profitant du grotesque de certaines situations pour faire passer son message. La créativité italienne, c’est certain, n’est pas en crise. Tout ce qu’on veut, c’est qu’elle ne s’arrête pas là !