Le 17 novembre 2019
Un film fort sur les camps de concentration, sans pathos excessif.
- Réalisateur : Vojtech Jasny
- Acteurs : Frantisek Peterka, Joachim Fuchsberger
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Tchèque
- Durée : 1h33mn
- Titre original : Prezil jsem svou smrt
L'a vu
Veut le voir
– Sortie DVD : le 12 avril 2016
– Année de production : 1960
Résumé : L’histoire exemplaire d’un jeune tchèque déporté dans le camp de concentration de Mauthausen en Autriche pendant la seconde guerre mondiale. Les solidarités dans le camp et la violence barbare des nazis sont le quotidien de Tony. Tout déporté rescapé est un revenant d’entre les morts.
Notre avis : Le film commence par un travelling sur des murs, des barbelés et des tours qui dessinent un enfermement résumant le thème majeur ; à la fin, le même travelling change de direction et s’élève vers des arbres ondoyant au vent. Dans les deux cas, la voix off du « héros », Tonda, reprend le titre et le développe. Survivre, c’est ce qu’il a réussi à faire, mais pas seulement : l’œuvre raconte aussi un itinéraire politique et quasi-spirituel. Partant d’une provocation (« je suis communiste »), ce qu’il appelle par la suite sa « frime », il se mure d’abord dans un individualisme hautain, mais l’expérience et surtout la rencontre avec Josef, un intellectuel aisé, l’amènent à une lutte collective et à la prise de risques. Il prend conscience qu’il n’y a pas de neutralité, qu’on est toujours dans un camp ; sa volonté de s’en sortir passe dans un premier temps par un combat de boxe, mais sa victoire se transforme en question morale : en montant sur le ring, il fait le jeu des bourreaux (« singe savant, gladiateur », lui dit Josef) ; en gagnant, il condamne son adversaire à mort. Le K.O. devient une défaite, et Tonda aide alors les « résistants » de l’intérieur, s’engage jusqu’à la torture et la mort symbolique.
Réflexion éthique, le film est aussi une description aussi juste que possible de la réalité des camps ; certes, le cinéaste n’évite pas toujours la dramatisation : la mort du Russe, théâtrale et soutenue par une musique presque obscène, figure comme une tache dans un ensemble sobre et rigoureux. Car la problématique est la même que pour Kapo et la célèbre critique de Rivette ou La liste de Schindler : comment représenter l’irreprésentable ? Comment faire une fiction avec l’innommable ? On connaît les réponses de Lanzmann. Et, de fait, on est régulièrement moralement gêné par des images comme ces corps émaciés en arrière-plan ou en amorce. Mais, si l’on accepte le parti-pris du film, on ne peut que saluer dans l’ensemble une intégrité presque sans faille.
La force de J’ai survécu à ma mort, c’est évidemment sa fonction de témoignage : en décrivant une vie quotidienne sans cesse menacée, sous un regard permanent, le cinéaste tchèque s’attache aux détails dont les historiens attestent la réalité (les petits trafics, les rivalités et les complicités, l’ambivalence de certains nazis, par exemple) et livre un point de vue probe et saisissant. Bien sûr, le film n’est pas un documentaire : il y a des personnages, même si certaines séquences de groupes participent d’une volonté de réalisme, qui permettent une identification sommaire et une narration. Ce qui nous vaut une remarquable et éprouvante séquence dans laquelle Tonda monte un interminable escalier en portant une pierre très lourde : tout y est, du sadisme imprévisible des nazis aux réactions des autres prisonniers, puis de l’indifférence du protagoniste face à la mort. Le montage morcelé et les cadrages très soignés font de ce passage une réussite, si l’on ose dire au vu du sujet, avec en point d’orgue une réplique épouvantable d’un officier : « Pourquoi ces types s’accrochent-ils à la vie ? ». C’est peut-être la question essentielle, voire existentielle, qui court dans le film et trouve sa place en son centre.
J’ai survécu à ma mort a connu une diffusion parallèle en France, puis est tombé dans l’oubli. Il est salutaire que le DVD permette à un large public de découvrir cette œuvre rare, qui par sa probité et sa rigueur, porte un témoignage fort sur une période épouvantable et ose affronter l’ineffable à travers une fiction profondément bouleversante.
Les suppléments :
Rien sur le DVD, mais un livret de 30 pages, écrit par Daniel Simon, Président de l’Amicale de Mauthasen, qui met l’accent sur les témoignages culturels à propos des camps de concentration. Solide et très bien informé.
L’image :
La copie n’est pas brillante : de légers parasites, un manque évident de contraste et de définition, quelques plans charbonneux.
Le son :
La seule piste vost présente un son sans ampleur mais plutôt bien défini et constamment audible.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.