Le 20 novembre 2020
Dita Kraus, âgée aujourd’hui de 91 ans, se livre sur sa responsabilité de bibliothécaire (elle n’était alors qu’une adolescente), dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Antonio G. Iturbe s’est inspiré de son histoire pour écrire un ouvrage devenu un best-seller.
INTERVIEW DE DITA KRAUS.
Chère Madame,
Ce serait un honneur pour nous si vous acceptiez de répondre à quelques questions sur votre vécu lorsque vous étiez la bibliothécaire d’Auschwitz.
1 - Vous êtes née à Prague en 1929. Avez-vous quelques souvenirs de votre enfance ?
J’étais enfant unique avec des parents et grands-parents aimants. Je jouais avec mes amis, j’allais à l’école et nous n’avions aucune préoccupation jusqu’aux événements de 1939. À partir de là, tout à changé.
2 - Vous et votre famille avez été déportés à Auschwitz en décembre 1943. Quelle a été votre première impression en arrivant là-bas ?
Avec l’occupation allemande de la Tchécoslovaquie, les juifs furent dépossédés de tous leurs biens, puis persécutés et déportés. En 1942, mes parents et moi-même avons été envoyés au camp de Theresienstadt, puis un an après à Auschwitz. Nous étions dans des wagons de marchandise pendant deux jours et deux nuits, et lorsque les portes se sont ouvertes, on nous a battus pour sortir. Les hommes étaient séparés des femmes, des SS avec de gros chiens criaient, c’était le chaos. Une pure horreur.
3 - Vous étiez dans le bloc 31. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce bloc était si particulier pour les enfants ?
Nous avons été mis dans une section appelée B II b, avec 32 huttes en bois. Certaines faisaient office de dortoirs, l’une était pour les latrines, l’une était une salle de douche, et il y avait plusieurs ateliers. Toute personne âgée entre 14 et 60 ans devait travailler. Un des blocs était une sorte de garderie pour les enfants. Le chef du bloc pour enfants s’appelait Freddy Hirsch, un prof de sport et superbe pédagogue. Il avait la permission d’employer des jeunes entre 14 et 16 ans en tant que travailleurs au bloc.
4 - Pourquoi avez-vous accepté de servir en tant que bibliothécaire secrète d’Auschwitz ? Vous souvenez-vous d’un livre en particulier ?
Pour chacun des jeunes, Freddy trouvait une tâche à faire. Il m’a nommé en tant que bibliothécaire.
J’avais 15 ans.
Il y avait entre 12 et 14 livres, une collection de tous genres venant des bagages pillés aux prisonniers. Mon travail était de prêter des livres aux adultes qui travaillaient avec les enfants et de faire en sorte qu’ils soient bien rendus.
Je ne me souviens que d’un titre, Une courte histoire du monde de H.G. Wells.
5 - Quelles sont les différences majeures entre votre histoire personnelle et celle racontée dans le livre La Bibliothécaire d’Auschwitz qui vous est consacrée ?
Le livre d’Antonio G. Iturbe est basé sur mes propres souvenirs, sur des évènements qui ont été collectés par des historiens, mais aussi sur des inventions de l’auteur. Par exemple, la description de mon père et de ma mère dans le livre est très différente de la réalité.
6 - Étiez-vous surprise que le livre La Bibliothécaire d’Auschwitz, écrit par l’auteur espagnol Antonio G. Iturbe, soit devenu un bestseller ?
J’étais surprise quand Iturbe a publié La Bibliothécaire d’Auschwitz, mais encore plus lorsque ce livre est devenu un bestseller. Ce n’est pas que je doutais de la qualité de son écriture, mais de l’intérêt porté par le public à lire des événements portant sur l’Holocauste.
7 - Vous vivez en Israël depuis 1949. Est-ce que vous vous sentez en paix ou pensez-vous souvent aux horreurs d’Auschwitz ?
Quiconque ayant vécu les horreurs des nazis en camp de concentration est marqué à vie.
La perte des membres de sa famille, les dégradations et la déshumanisation, la désagrégation complète de ses valeurs, ne peuvent être oubliées.
8 - Avez-vous un message pour les jeunes personnes qui apprennent l’histoire de l’Holocauste ?
Lorsque des élèves me demandent ce que je veux qu’ils retiennent, je leur dis : “lorsque vous aurez des enfants, apprenez-leur à ne pas haïr”.
- © Dita Kraus
Crédits Photo : Dita Kraus©Dita Kraus
Interview réalisée en anglais.
Avec nos remerciements à Zoé Charrier pour son aide précieuse en ce qui concerne la traduction.
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