Le 5 mars 2024
Amjad Al Rasheed réalise une œuvre sombre et bouleversante sur le sort qui s’acharne contre les femmes dans la société patriarcale jordanienne. Une mise en scène académique mais sincère.
- Réalisateur : Amjad Al Rasheed
- Acteurs : Mouna Hawa, Seleena Rababah, Haitham Omari
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Égyptien, Saoudien, Jordanien, Qatari
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h53mn
- Titre original : Inshallah Walad
- Date de sortie : 6 mars 2024
- Festival : Festival de Cannes 2023
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Résumé : Jordanie, de nos jours. Après la mort soudaine de son mari, Nawal, trente ans, doit se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne.
Critique : Malgré elle, Nawa a laissé tomber un de ses sous-vêtements qu’elle tente de récupérer de sa fenêtre jusqu’au moment où elle croise le regard d’un homme étranglé par le désir. Dès la première séquence, tout est dit d’une société patriarcale qui compose avec ses contradictions, soumettant à la fois les épouses à un ordre absurde et n’empêchant pas les maris de se livrer au badinage en dehors du couple. Inchallah un fils est l’un des tout premiers films jordaniens présenté sur la Croisette. Il ne cesse de mettre à nu la chevelure magnifique de la comédienne, Mouna Hawa, et dans ce décoiffage, signe un affront courageux contre le pays et ses règles d’un autre temps. Évidemment, dans les gestes répétés de la jeune femme qui se découvre la tête, on pense à la situation terrible de l’Iran où des femmes se sont vues condamner et même mourir pour avoir osé montré leurs cheveux en pleine rue. Bien sûr, la situation de la Jordanie n’a rien à voir avec celle de l’empire perse, sinon que le sort réservé aux femmes est tout aussi réactionnaire et imbécile.
- Copyright Pyramide Distribution
La protagoniste vient de perdre son mari. Elle est la mère d’une seule fille et aurait espéré que son conjoint lui donne un deuxième enfant. Hélas, il décède d’un arrêt cardiaque et, faute d’avoir un garçon, elle se retrouve ainsi dépossédée de son appartement qu’elle a pourtant payé avec son époux. Toute l’absurdité de la situation réside dans ce récit où, au prix de voir reculer la prononciation officielle de l’héritage, elle s’invente une grossesse. Elle travaille dans une riche famille dont elle prend soin de la grand-mère malade. Par chance, la jeune fille de la famille, enceinte, accepte d’effectuer un test de grossesse à sa place. Cette tentative désespérée de prouver une grossesse devant le juge qui doit statuer sur l’héritage signe le désespoir de Nawal, et sans doute d’un grand nombre de femmes jordaniennes entravées dans un système juridique absurde, aux mains de maris ou de frères peu scrupuleux. La tension dramatique est permanente dans cette fiction qui voit le destin de l’héroïne sombrer vers le pire pendant presque deux heures.
- Copyright Pyramide Distribution
Si le sujet est éminemment politique et fait peser sur le réalisateur une prise de risque considérable, le film souffre quelque peu d’une mise en scène assez didactique, pour ne pas dire classique. Pour autant, Amjad Al Rasheed ne verse jamais dans le mélodrame lourd et alambiqué. Il dresse le portrait sincère et sobre d’une femme, prête à tout pour s’émanciper de sa condition, et autour d’elle, faire advenir un monde plus juste. Son combat fait écho à la panique qui la saisit à chaque fois qu’une souris traverse sa cuisine, jusqu’au moment où elle décide de surmonter sa peur et de rentrer dans la lutte. Si la femme qu’elle incarne cherche par tous les moyens à contourner les lois au nom de sa propre liberté, elle n’en est pas moins digne et droite dans ses bottes. En ce sens, Inchallah un fils est un beau portrait de femme, sensible et sincère, jamais démenti par l’académisme de la mise en scène.
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Inchallah un fils restera dans le souvenir des spectateurs comme un film courageux, au bénéfice des femmes jordaniennes. Si la réalisation fait subtilement allusion à la question terrible du niqab imposé dans certains pays du monde comme la Jordanie, on retiendra pour notre part les scènes où l’héroïne et l’actrice tout à la fois offrent aux yeux du monde le spectacle de leur chevelure noire et abondante.
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