On a l’habitude d’affirmer que Nelly Kaplan a du culot. Et c’est bien peu dire de cette femme, débarquée d’Argentine en 1953 et qui se lie en quelques mois avec les surréalistes, devient l’assistante d’Abel Gance, et fonce, sans l’ombre d’un doute, dans la direction qu’elle s’est choisie, celle du cinéma. Scénariste, réalisatrice, critique, elle promène un peu partout son esprit libre et ironique, son humour, ses jeux de mots et sa vision du monde. Elle nous revient avec un livre cette fois, Ils furent une étrange comète, et on se demande ce que vient faire dans tout ça cette bluette laborieuse.

Ariane et Pierre sont morts, laissant dans l’affliction leurs moitiés respectives. Qui se rencontrent, et trouvent en l’autre - ô stupéfaction - le sosie du disparu. L’histoire d’amour s’inscrit, comme prévu, entre rejet, attirance, tentation et refus, jusqu’au jour où les deux morts de mettent à investir les corps de leurs sosies, dans une sorte de ménage à quatre qui se veut métaphysique ou peut-être simplement quantique, arbitré par un chat suicidé, surdoué et arrogant.

Il n’est question ni de bon sentiments, ni de bonne littérature. Si l’argument ne fait pas le livre, l’apparente mièvrerie du propos ne demandait qu’à être transcendée par un peu d’humour, d’irrévérence, et surtout d’écriture ! Car c’est bien cela qui manque à cette comète ! Tout ce qui fait, habituellement, le bonheur des critiques et des films de Nelly Kaplan. Un œil impitoyable, un féminisme truculent, un réel bonheur de la langue. Rien ne décolle ici du degré zéro du mélodrame, jusqu’à la fin, exercice de style pour spectacle de patronage.

On ne peut que regretter que ce livre puisse servir à certains de porte d’entrée dans l’univers de Nelly Kaplan. A l’heure où une rétrospective de son œuvre redonne accès à La fiancée du pirate, on préférerait oublier cette malheureuse comète, qu’il vaut mieux n’observer que de loin.
Nelly Kaplan est décidément plus à l’aise dans les histoires délicieusement perverses, où les femmes se jouent de la vanité des hommes. Plaisirs d’amour !