Le 3 mars 2024
Si le brouillage des mémoires historiques et narratives constitue un véritable intérêt, Il n’y a pas d’ombre dans le désert faillit hélas à beaucoup de complaisance et de longueurs inutiles.


- Réalisateur : Yossi Aviram
- Acteurs : Jackie Berroyer, Valeria Bruni Tedeschi, Yoel Rozenkier, Yona Rozenkier , Germaine Unikovsky, Roni Alter
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien, Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h41mn
- Date de sortie : 28 février 2024

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Résumé : À Tel Aviv, Ori croise par hasard Anna, une écrivaine française, lors du procès d’un ancien nazi. Il est bouleversé de reconnaître cette femme dont le souvenir le hante depuis qu’ils se sont follement aimés à Turin, vingt ans plus tôt. Mais Anna soutient qu’ils ne se sont jamais rencontrés. Peut-être qu’au milieu du désert, les choses deviendront plus claires…
Critique : La tragédie de la Shoah revient sur les écrans, dans un procès où les victimes rescapées de l’époque, quand elles ne se sont pas suicidées à bout de force face à l’horreur dont elles sont revenues, doivent reconnaître dans le visage de l’accusé celui qui a contribué à la tuerie nazie. L’avocat qui défend le prévenu provoque les témoins, confronte les photographies, car évidemment, la mémoire est faillible, surtout quand les évènements se sont déroulés plus de soixante ans plus tôt. Anna assiste au procès, dans l’attente que son père vienne à son tour témoigner et identifier l’homme qui a été son bourreau et celui de sa femme. Elle est écrivaine, et attire malgré elle, des femmes et des hommes qui voient, à travers ses livres, des substrats d’une réalité qui n’a jamais été.
Il n’y a pas d’ombre dans le désert a été écrit par Valeria Bruni Tedeschi et Yossi Aviram. L’une joue, l’autre est à la mise en scène, dans un film confus, où les réalités se confondent à travers le filtre de mémoires défaillantes ou de romans qui jouent avec la vraisemblance. La partie du procès est franchement très réussie, quand les témoins doutent, se mettent en colère, ou même renoncent à revenir sur le passé. Le récit se fragilise quand la mémoire se met à l’épreuve d’une histoire d’amour avortée qu’Anna feint d’ignorer et que son amoureux éconduit tente de faire resurgir. S’ensuit alors un pseudo-enlèvement qui conduit l’écrivaine et son amant d’une nuit dans le désert profond où il est question de squelettes abandonnés, de dépressions et de manuscrits.
- Copyright Les Films du Losange
Il n’y a pas d’ombre dans le désert est un film bancal, plus ennuyeux que convaincant. Évidemment, Valeria Bruni Tedeschi est admirable dans le rôle d’une femme complexe qui cherche à se reconstruire malgré le souvenir ténébreux de la Shoah qui a bouleversé ses parents et sa famille. Il y a presque une forme de provocation à mettre sur le même plan la mémoire historique et celle du roman. On imagine aisément la confusion des images qui émergent chez des victimes rescapées des camps de la mort, là où on adhère moins à celles d’un homme amoureux qui n’a pas su avouer son désir de mariage pour l’écrivaine. Les images du désert sont très belles, très denses, mais ne suffisent pas à faire éclore la moindre empathie à l’égard de ces deux êtres perdus dans les dunes sableuses d’Israël.
Tout est long, poussif, complaisant, surtout quand la protagoniste s’abandonne au syndrome de Stockholm vis-à-vis de celui qui la retient dans le désert et lui assure d’avoir été son amant. Pire, le drame de la grande Histoire du peuple juif s’évapore dans un quiproquo digne d’un mauvais film policier. Nous serons donc restés à côté d(’Il n’y a pas d’ombre dans le désert en dépit des promesses d’une fiction aux interstices de la mémoire de l’Histoire et des divagations romanesques.