Le 13 septembre 2022
Une fresque baroque et fantasque d’un monde ancien baigné de communisme et de barbarie qui n’a pas dit son dernier mot. Un véritable exercice virtuose de cinéma.


- Réalisateur : Silviu Purcărete
- Acteurs : Razvan Vasilescu, Áron Dimény, George Mihaita, Constantin Chiriac, Sorin Leoveanu
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Roumain
- Distributeur : ED Distribution
- Durée : 2h20mn
- Titre original : Undeva la Palilula
- Date de sortie : 14 septembre 2022

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– Année de production : 2012
Résumé : Roumanie, années 60. Serafim, un jeune diplômé de la faculté de médecine, est amené par un sombre caprice du destin dans la ville de Palilula. Au milieu de nulle part. Palilula est une ville fantôme, perdue au milieu de la plaine vallahienne. Une zone de quarantaine, un sanatorium, un hôpital improbable, une clinique gynécologique où jamais aucun enfant n’est né. On peut arriver à Palilula mais pas en repartir. On ne sait jamais si ses habitants mentent, rêvent ou vivent réellement. Le jeune docteur Serafim ne pourra pas exercer son métier de pédiatre, dans cette ville sans enfant. Il se noiera dans le miel doux et empoisonné du lieu, comme une mouche attrapée par une grenouille.
Critique : Silviu Purcărete est un homme de théâtre. Il s’attaque au cinéma avec le bagage dramaturgique qu’on lui connaît, dans une ville imaginaire des années 60 en Roumanie, où les habitants cohabitent entre rêves, fantasmagories et cruauté. Il était une fois Palilula est un film pour le moins original. On ne peut pas s’empêcher de penser à la patte poétique et décalée d’Aki Kaurismäki, ou plus récemment celle de Kirill Serebrennikov qui allie si magiquement le drame et fantaisie. Car il s’agit d’un film baroque où les comédiens endossent des personnages hauts en couleur, coincés entre le réalisme, l’effroi politique et la folie. Cette ville fantôme, Palilula, où débarque un jeune médecin pédiatre, après avoir été accompagné par une famille de musiciens tziganes, à bord d’un wagon mystérieux, ressemble à une scène de théâtre avec ses grandes façades lumineuses et ses cours intérieures. Le point de vue théâtral du cinéaste est assumé, voire constitue en soi l’opportunité de creuser la question dramatique avec une caméra qui, forcément, réduit ou ouvre les possibles narratifs.
- Copyright Ed Distribution
Ce qui émerveille au plus haut point dans ce film demeure la mise en scène qui se marie avec brio aux mouvements de caméra et à la musique. Parfois, on a presque le sentiment de s’envoler dans un ballet ou une scène d’opéra que la cruauté des protagonistes corrompt. Silviu Purcărete joue avec les costumes, les dialogues, les maquillages, et tout finit par ressembler au vaste théâtre du monde, bouleversé par ses guerres, ses stratégies politiques et ses traditions d’un autre temps, en dépit d’une direction d’acteurs qui allie rires et fantaisies. Il était une fois Palilula constitue un jeu à l’infini de théâtre dans le théâtre, offrant aux yeux de tous le spectacle d’un monde terrible où chacun doit composer avec les extravagances et les manipulations du pouvoir. En ce sens, il s’agit d’un long-métrage complexe qu’il faut appréhender en prenant le risque de se perdre tout en s’y amusant.
- Copyright Ed Distribution
Il était une fois Palilula est un long-métrage très inspiré. Kusturica, Fellini et Scola constituent les compagnons créatifs de ce récit illuminé par l’ironie et la colère. Le cinéaste joue avec les identités. Il sème le trouble dans des scènes toutes aussi belles que précises. La lumière, la couleur, les maquillages, les décors participent à créer un univers fascinant et déroutant. On a l’impression d’assister aux élucubrations à la fois mélancoliques et joyeuses d’un poète des temps modernes. Car le film est emprunt d’un bout à l’autre de poésie et de symboles. Drôle de destin que de se retrouver médecin dans une maternité où aucun enfant ne naît. Silviu Purcărete signe avec cette fresque baroque et agitée une sorte d’illustration sans fard d’une certaine décadence du monde occidental. Le monde avec ses créatures court à sa perte dans une fête extravagante et chantante qui ne finira plus de hanter l’imagination du spectateur.