Le 23 juin 2021
Un portrait sensible et bouleversant d’un père et son fils, au bord de basculer dans la délinquance. Enfin un film qui ne s’enferme pas dans les clichés sociaux et regarde l’adolescence avec la sincérité et la beauté qu’elle mérite.
- Réalisateur : Samir Guesmi
- Acteurs : Samir Guesmi, Rabah Naït Oufella, Luàna Bajrami, Abdel Bendaher, François-Xavier Phan
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h20mn
- Date télé : 7 décembre 2023 21:00
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 23 juin 2021
- Festival : Festival de Cannes 2020, Festival du Film Francophone d’Angoulême
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Résumé : La vie du jeune Ibrahim se partage entre son père, Ahmed, écailler à la brasserie du Royal Opéra, sérieux et réservé, et son ami du lycée technique, Achille, plus âgé que lui et spécialiste des mauvais coups. C’est précisément à cause de l’un d’eux que le rêve d’Ahmed de retrouver une dignité se brise lorsqu’il doit régler la note d’un vol commis par son fils et qui a mal tourné. Les rapports se tendent mais Ibrahim décide alors de prendre tous les risques pour réparer sa faute...
Critique : Parfois, c’est d’un mot qu’il suffit entre un fils et son père pour que le jeune homme ne succombe pas aux tourments de la délinquance. Un seul mot. Et peut-être qu’Ibrahim est le récit sincère et bouleversant de cette parole d’amour qui manque au bonheur de ce jeune homme et de son père. Le garçon se rêve champion de football, acclamé par la foule, pendant que son père, illettré et édenté, découvre un courrier où un dentiste lui réclame près de deux mille euros, pour se faire réparer la dentition. Voilà un film digne, formidablement mis en scène, porté par des comédiens d’une indéniable sincérité, qui parle tout autant de l’adolescence, de la complexité à échapper au déterminisme social et culturel, que de la difficulté à être tout simplement.
- Copyright Anne-Françoise Brillot
Ibrahim a la patte d’un film de Philippe Faucon. La caméra s’immisce dans l’intimité malheureuse de ce jeune garçon, Ibrahim, qui se rêve champion de foot. La père, solitaire et courageux, signe les chèques que son fils remplit pour lui sans rechigner. La douleur se lit dans les paroles absentes, dans ces interstices scénaristiques qui s’invitent à travers les rêves des personnages. Mais Samir Guesmi s’empêche de sombrer dans l’hyperbole. Il filme ses personnages avec beaucoup de douceur et de pudeur. Il ne force par la détresse, il ne rajoute pas au tableau déjà sombre de ce pan de la société. Pour une fois, Paris n’est pas l’espace filmique d’une société aisée qui se regarde le nombril et se complaît dans les tourments amoureux. Guesmi donne la voix à ces gens de peu, ces oubliés du monde, qui se débattent avec leur histoire et leur insécurité sociale et affective. Ibrahim aurait pu être aussi un récit mis en scène par André Téchiné. On perçoit la même fougue, la même sensualité, la même épaisseur chez ces jeunes gens. Mais Samir Guesmi refuse les excès, le romantisme. Il donne simplement le droit à ce jeune homme, Ibrahim, de dérouler sa vie et de chercher un sens au silence de son père.
- Copyright Anne-Françoise Brillot
On comprend très vite que Samir Guesmi livre dans son film quelque chose de sa propre histoire. Pour autant, le cinéaste et comédien privilégie une grande pudeur dans ce récit à la fois autobiographique et social. Abdel Bendaher, rencontré par hasard sur un terrain de foot, donne vie à ce jeune Ibrahim, comme si ce personnage était un peu de lui et un peu de ce que le cinéaste lui a confié de sa propre existence. Nous n’avons qu’un regret : que la crise sanitaire n’ait pas permis à ce jeune comédien de gravir les marches de Cannes, pour saisir le trophée du meilleur acteur (dans l’hypothèse où le film aurait eu les honneurs de la compétition officielle). Car il interprète Ibrahim avec une rare justesse. Les larmes qui parfois affleurent sur son visage sont celles de toute une jeunesse qui se résigne à la lutte. Elles racontent ces gamins de peu que le déterminisme culturel contraint à la reproduction sociale, ou, pire, que le malheur pousse à la brutalité. Ibrahim devient alors un long métrage nécessaire pour comprendre combien la protection de l’enfance doit se transformer non en intention, mais en une véritable volonté politique.
- Copyright Anne-Françoise Brillot
2020 aura été pour toujours une année de parenthèse dans le cinéma. Pourtant, des producteurs, distributeurs et attachés de presse auront choisi de lutter jusqu’au bout pour donner vie à un film, immensément sincère, au mépris des pouvoirs publics qui imposent l’extinction des écrans. Ibrahim est un exemple de détermination pour toute une jeunesse, qui ne sait pas toujours comment s’extirper des affres de sa propre détresse. Le film donne envie de continuer à croire et fait apparaître, comme une évidence, que le plus grand remède au désespoir repose souvent souvent sur la libération de la parole.
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