Histoire(s) du manga moderne - La chronique

Histoire(s) du manga moderne se veut un ouvrage capable de servir aussi bien aux néophytes qu’aux spécialistes, avec l’ambition de retracer l’histoire du manga depuis 1952, année par année, notamment à travers la figure d’un mangaka reconnu, dont le portrait est, sur une double page, mis en regard de l’actualité politique, économique et culturelle du pays. Le livre est richement illustré : photographies, reproduction de vignettes et de planches parsèment l’ouvrage et rendent la lecture agréable, d’autant que l’ouvrage – qui dispose d’une couverture souple – a bénéficié d’une impression de qualité.

La mise en regard de l’actualité du pays et de l’histoire du manga est un choix fort de l’ouvrage, qui fait également son originalité. Ce choix nous apparaît d’emblée comme extrêmement pertinent. En effet, l’histoire du Japon contemporain n’est pas forcément bien connue des lecteurs francophones et, à la lecture de l’ouvrage, on comprend rapidement que cette connaissance s’avère nécessaire pour comprendre l’évolution de l’histoire de la bande dessinée japonaise. L’ouvrage fait le choix de commencer en 1952, année d’entrée en vigueur du traité de San Francisco, dont la conséquence est le départ de la majorité des soldats américains. Bien entendu, la première figure mise en valeur est celle d’Osamu Tezuka, considéré – à juste titre – comme le père du manga (et de l’anime) moderne.

© Matthieu Pinon et Laurent Lefebvre – Ynnis Edition
Exemple d’une double page consacrée à l’année 1952. A gauche figure l’actualité politique, économique et culturelle du pays, quand la page de droite est consacrée à un auteur, ici Osamu Tezuka

Le livre commence par une introduction, assez courte, qui fait un rappel très rapide de l’histoire du Japon depuis 1853 (arrivée de Perry au Japon pour forcer l’ouverture du pays) à l’occupation américaine, ainsi qu’un rappel sur les origines du manga en partant des rouleaux peints, les emakimono, jusqu’aux années 1950, en passant par Hokusaï, l’influence occidentale et le poids de la guerre sur la nature des publications.

Le cœur de l’ouvrage consiste donc en une présentation sur une double page de l’actualité d’une année et du portrait de l’œuvre d’un mangaka. Les grands noms du manga moderne sont présents : outre Tezuka, citons Tatsumi (associé à l’année 1957), Hirata (1958), Mizuki (1959) Taniguchi (1970), Matsumoto (1977), Otomo (1980, père d’Akira), Toriyama (1984, auteur de Dragon Ball Z), Oda (1997, One Piece), Murata (2013, One-Punch Man).

L’ouvrage se poursuit en traitant un autre point de vue, tout à fait appréciable : l’histoire du manga vue en France par les éditeurs et par les libraires, deux acteurs centraux du marché du livre qui ont contribué à l’essor du manga en France. L’occasion de revenir sur un succès.

Enfin, une vingtaine de pages classe les mangas par grands thèmes (sport, horreur, cuisine, humour, etc) ce qui permet aux deux auteurs, de leur propre aveu, d’évoquer d’autres œuvres. La conclusion sur l’avenir du manga est également à lire, car elle présente des éléments pertinents. Une bibliographie termine l’ouvrage.
Grâce à ce livre, les lecteurs assidus auront donc le plaisir faire la découverte d’autres mangaka plus anciens absolument géniaux, qui ont généralement fait l’objet d’une édition en français, comme Mizuki (édité par Cornélius) ou le maître du gekiga Hirata (édité par Delcourt), mais aussi d’auteurs plus récents dont le talent est désormais reconnu, comme Mochizuki, auteur de l’excellent Chiisakobe, qui a reçu le prix du manga par l’ACBD en 2016.

En somme, Histoire(s) du manga moderne remplit pleinement sa fonction, renseignant à la fois sur l’histoire du Japon et réalisant un panorama ludique et instructif de l’histoire du manga à travers ses principaux acteurs. Il constitue une bonne introduction au genre, sans prétention universitaire, que l’on complètera pour les plus assidus par la lecture de l’ouvrage de Jean-Marie Bouissou, Manga, histoire et univers de la bande dessinée japonaise.