Le 1er septembre 2024
Hijo de Sicario est un remarquable tableau initiatique sur le parcours d’un enfant puis d’un adolescent, rongé par le crime de son père et le déterminisme social. Une œuvre autant romanesque que picturale grâce à un grand soin apporté à la photographie.
- Réalisateurs : Fernanda Valadez - Astrid Rondero
- Acteurs : Juan Jesús Varela, Yadira Pérez, Karla Garrido, Jairo Hernandez, Sandra Lorenzano, Alexis Varela
- Genre : Drame, Teen movie, Drame social, Policier
- Nationalité : Américain, Français, Mexicain
- Distributeur : Damned Distribution
- Durée : 2h00mn
- Titre original : Sujo
- Date de sortie : 21 août 2024
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Résumé : Après l’assassinat d’un sicario dans une petite ville mexicaine, Sujo se retrouve orphelin et échappe de justesse à la mort grâce à sa tante qui l’élève à la campagne. À l’adolescence, la rébellion s’éveille en Sujo et il rejoint le cartel local. L’héritage de son père semble alors rattraper son destin.
Critique : Déjà, dans les yeux de cet enfant tapi sous la table, il y a la dureté emprunte d’une gigantesque force de résilience. Son père vient de se faire tuer dans la noirceur étouffante du Mexique et le petit Sujo n’a plus que sa tante pour échapper à la cruauté des adultes. C’est un gosse sauvage, instinctif, et l’on présage déjà que l’avenir de l’homme qu’il sera celui de la violence et de la réparation, tel que son histoire devrait le conduire. Hijo de Sicario, écrit à deux mains, a l’âpreté des grands polars. Les chapitres se succèdent pendant deux heures, mettant en scène les adultes qui vont faire de Sujo un rebelle déterminé à s’extraire du passé traumatique de sa famille et donner à son existence une dimension culturelle et intellectuelle. À côté de ces personnes, habitées par une certaine pauvreté, il y a les animaux, les insectes, les grandes plaines sableuses et le soleil tapageur de l’Amérique du Sud, et pour Sujo, le désir immense d’apprendre.
Astrid Rondero et Fernanda Valadez réalisent ensemble un nouveau long-métrage où justement les femmes semblent les seules à pouvoir rendre le destin plus serein. Elles ont le sang froid, sont habituées à la violence des hommes dont elles espèrent qu’elles sauront préserver les enfants qu’elles élèvent. Il y a dans ce long-métrage mexicain autant de grâce, de sensibilité que de brutalité. En ce sens, le film déroule une langue narrative complexe qui prend le temps de la construction identitaire et psychologique des personnages, dans un environnement plutôt hostile et barré de désespérance. Mais ces femmes résistent, d’autant plus quand elles sont des mères ou des enseignantes.
- Copyright Damned
La forme cinématographique ne se contente pas de dresser le parcours initiatique d’un jeune résolu à rattraper son histoire. Les réalisatrices prennent un grand soin à filmer leurs personnages dans des séquences qui semblent sorties d’un tableau de peinture. Le jeu sur les lumières presque à la manière d’une œuvre de Rembrandt, les couleurs orangées et les gros plans au cœur des broussailles apportent au récit une dimension artistique supérieure. On n’est surtout pas dans un récit descriptif ou linéaire, mais bien un film de cinéma où l’image prime sur la fiction.
Il faut saluer aussi la direction des acteurs, notamment des enfants, qui se prennent au jeu tragique de leurs personnages avec une grande facilité. Presque la moitié du film est consacrée à l’éducation que la sœur de Josué apporte à Sujo, au décès de ce dernier. Elle élève son neveu comme un fils, à la fois dans le respect des valeurs morales de son pays, dans le désir contenu de la vengeance et surtout dans une ambition qui le sortira des griffes du narcotrafic. Les réalisatrices filment les personnages avec beaucoup de dignité et de tendresse, jusqu’à cet adolescent, pourtant habité de douceur, qui se débat entre son goût des livres, l’amour pour sa tante, une certaine maturité entachée de tristesse, son attachement à la terre et la hantise du passé. Chaque angle de vue depuis un miroir ou une voiture témoigne d’une détermination chez les cinéastes à aller au-delà des apparences dans la compréhension des personnages. Et comme toujours dans les bons films, les objets même les plus banals offrent au récit des perspectives insoupçonnées.
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Il y a dans Hijo de Sicario une vraie appétence au romanesque. Les paysages, les scènes, les regards semblent des pages entières de description, avec une puissance évocatrice assez rare. La nature occupe une place tout aussi importante que les personnages qui évoluent dans un environnement rural, corrompu par le trafic de drogue et la brutalité des cartels. Astrid Rondero et Fernanda Valadez dénoncent ainsi un pays, le Mexique, qui ne parvient pas sortir par le haut sa jeunesse qui peine à échapper aux marchés clandestins de l’héroïne. La force de l’éducation, de l’école et de la connaissance semble très faible par rapport au pouvoir d’influence des adultes corrompus.
Cela n’en fait pas pour autant un film misérabiliste. Hijo de Sicario est une belle œuvre sur l’enfance et l’adolescence, dans un contexte rural dominé par les mafias locales. La fuite vers Mexico constitue une métaphore heureuse sur les mouvements migratoires des populations mexicaines vers les États-Unis, à la recherche d’un projet de vie apaisé. Ce parcours initiatique et intellectuel de Sujo est sans doute celui de nombreux jeunes du Mexique. En tout cas, il constitue un très bel exercice de style et d’émotions.
HIJO DE SICARIO, un film d'Astrid Rondero et Fernanda Valadez - Bande annonce / 21 AOUT AU CINEMA from Damned Films on Vimeo.
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