Le 16 avril 2018
Un documentaire à la forme originale, mais qui suscite beaucoup d’interrogations.
- Réalisateur : Vanessa Lapa
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Israélien, Allemand, Autrichien
- Distributeur : ASC Distribution
- Durée : 1h36mn
- Box-office : 11.280 France / 5.754 entrées P.P
- Titre original : Heinrich Himmler der Anständige
- Date de sortie : 14 janvier 2015
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Vanessa Lapa choisit un angle inédit : à partir de sources personnelles et d’images d’archives, elle fait le portrait énigmatique d’un haut responsable nazi.
L’argument :Le 6 mai 1945, des soldats de l’armée américaine investissent la maison de Himmler, à Gmund en Allemagne. Ils y découvrent des centaines de lettres personnelles, de journaux intimes et de photos. Le film s’est basé sur ces documents pour esquisser sa biographie et révéler l’état d’esprit, les plans et les secrets du Reichsführer SS, architecte de la Solution Finale : Heinrich Himmler.
Comment ce jeune bourgeois catholique, nationaliste de la classe moyenne, est-il devenu le bras droit d’Hitler responsable de la mort de millions de Juifs, d’homosexuels, de communistes et de Roms ? Comment est née son idéologie ? Comment se voyait-il et comment était-il perçu par sa femme Margerete, sa fille Gudrun et sa maîtresse Hedwig ?
Comment un homme qui se référait souvent aux soi-disant vertus germaniques telles que l’ordre, la correction et le respect, pouvait-il écrire à sa femme en pleine guerre et durant l’Holocauste : “Malgré toute cette charge de travail, je suis en forme et je dors très bien.” ? Comment un homme peut -il se voir comme un héros et être aux yeux du monde un meurtrier de masse ?
Notre avis : Le film s’ouvre et se clôt sur le témoignage de la femme de Himmler, et ces mots terribles, à la fin, résonnent en nous avec de multiples échos : « je ne sais pas. » Nous qui avons vu ce documentaire original dans sa forme, nous ne savons pas non plus. Comment cet homme banal a-t-il pu devenir l’un des responsables d’une tragédie inouïe, unique dans son ampleur ? Nous ne savons pas. Les comédiens qui lisent des textes intimes (correspondances, journaux) nous apprennent des faits, souvent anodins, mais ils n’expliquent rien. Suivre la vie d’un bourreau, de sa naissance à son suicide, en adoptant l’angle du privé ne permet pas de comprendre. Mais le peut-on ? Vanessa Lapa, la réalisatrice, est une journaliste pour la télévision israélienne.
Son projet, mêler la lecture de ces textes à des images d’archives sans commentaires, nous place dans une situation ambiguë : que veut-elle prouver ? La banalité du mal chère à Hannah Arendt ? La responsabilité de la société selon Harald Welzer ? Le besoin de compensation et d’ordre chez un enfant maladif ? Impossible de trancher. Nous qui avons soif d’explications nous etrouvons devant un mystère insondable, et les questions que pose le documentaire demeurent sans réponse. Nous nous heurtons à un mur qui contredit toutes les théories ; nous sommes dans l’ineffable, sans doute à jamais.
Himmler apparaît comme un père aimant, certes, mais très tôt guidé par une paranoïa qui rejette les Juifs et les homosexuels. Il refuse le travail des femmes, leur assigne le rôle de mères (au moins quatre enfants). Mais cela, nous le savions. Le moindre livre d’histoire nous en dit au moins autant. Peut-être le spectateur sera-t-il surpris par le fait qu’il numérotait les lettres qu’il écrivait à son épouse. Mais que faire de ses troubles intestinaux, de ses plaintes quant à sa charge de travail ? Que faire des propos lénifiants de sa fille ou de sa femme ? Là est sans doute la limite du film. Nous qui sommes gorgés d’images et de témoignages, en quoi nous fait-il mieux comprendre cette période ? Demandons-le crûment : à quoi bon ?
Il ne faudrait pas en conclure que ce film, certes décevant, ne nous apporte rien. Mais ce n’est pas à notre intelligence ou à notre raisonnement qu’il s’adresse ; les moments les plus forts, en effet, naissent d’un effroyable décalage entre ce qui est dit, les petits faits anodins, et ce que l’on voit (exécutions, charniers). Entre la visite guillerette de Dachau qu’effectue la fille de Himmler, soutenue par une musique légère, et ce que l’on sait. Là naît sans doute un trouble indicible qui participe à notre sens du devoir de mémoire. C’est à la fois peu et beaucoup.
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